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Citation de theaudu57


Mouloud est heureux. Prenant part au combat que se livre éternellement le monde avec lui-même, il ne perce pas l’illusion qui le fait agir. Il joue et ne songe pas à se regarder jouer. C’est moi qui le regarde, et je suis enchanté de lui voir remplir son rôle avec une précision de mouvements qui ne laisse place à aucun vide. À tout instant il est tout entier dans son action. S’il désire manger, ses yeux ne quittent pas les plats qui sortent de la cuisine et trahissent une si violente envie qu’on l’imaginerait transporté dans la nourriture même. Et s’il se pelotonne sur les genoux, c’est avec l’application de toute sa tendresse. En vain, je cherche un hiatus. Ses actes coïncident avec ses mouvements, ses mouvements avec ses appétits, ses appétits avec ses images. C’est une chaîne sans fin. Si le chat allonge sa patte à moitié, c’est qu’il est nécessaire qu’il l’allonge et qu’il l’allonge seulement à moitié. Le contour le plus harmonieux des vases grecs n’a pas cette nécessité.
Cette plénitude, quand je fais un retour sur moi m’attriste. Je me sens homme, je veux dire un être mutilé. Je sais que je trébucherai avant la fin de la comédie et qu’à une question que me posera mon partenaire, j’oublierai ma réplique et resterai sans parole. Absences. Me voilà ravi à ces êtres que je disais aimer, et à moi-même dont je ne pouvais me détacher. Une nécessité qui me confond m’emporte loin de ma condition. Les hommes n’aiment pas qu’on leur échappe : c’est qu’ils n’aiment pas s’échapper à eux-mêmes. Ils sont aussi contents d’être hommes que Mouloud d’être chat. Mais Mouloud a raison et eux ont tort. Car, lui, fait ce qu’il a à faire et leur position, à eux, est intenable.
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