M. Pieynet - X. Girard - J.G. Meili :
Henri matisseOlivier BARROT parle d'
Henri MATISSE et propose trois livres de poche consacrés au
peintre : "Autour de MATISSE" de Marcelin PIEYNET, "L'
art de MATISSE" de
Jean GUICHARD MEILI et "MATISSE une splendeur inouie" de
Xavier GIRARD.
La vocation maritime
Ils naviguent dans la piscine
Ils ont vingt et un ans à trois
Ce qui leur plaît c'est la marine
Mais non pas la marine en bois
— Moi dit l'un je suis amiral
— Et moi je suis vice-amiral
— Et moi et moi contre-amiral
L'écho conclu : c'est admirable
Écouter l'appel de la mer
À sept ans cette idée ! Ah diable
On rêve du grand flot amer
Et l'on deviendra quoi ? — Comptable…
Vingt ans plus tard ils étaient tous les trois sur l'eau
Le premier quartier-maître et le second cuistot
Le troisième était enseigne
Ils sont restés des amis. Rage
Écho : tu t'es trompé. Larguez l'amarre
Vogue la barque et vive la marine
Vire la barque et vogue le bateau.
LES LIENS DU SENS
Ce qu'il y a de commun entre l'ardoise et la feuille ce n'est pas l'abri, entre l'aurore et l'arbre ce n'est pas l'oiseau, entre la source et le sang ce n'est pas le calme, entre le rivage et le bras ce n'est pas la courbe, entre l'automne et l'horizon ce n'est pas l'attente. Mais il n'est pas moins étrange que ce qui unisse l'insensé à son désir, ce soit le souvenir de l'impossible.
OBSCUR-CLAIR
Ne pas abuser de la nuit sous prétexte qu'elle ne coûte rien et que le soleil s'abstient de briller pour tout le monde. Ne pas affecter de la qualité "nuit" ce qui la subit sans en tirer richesse (fréquent travers). Ne pas utiliser la nuit à des fins purement décoratives. Traiter avec les mêmes précautions le crépuscule et l'aube, moments ambigus, très compromis avec le jour. Romantisme ou non, ne pas tirer une vanité exagérée de cette forme fragile de l'ombre. Lorsqu'un habile jeu de miroirs dans l'espace nous en aura privés, il ne sera que temps de la cultiver sous terre ou de la fabriquer artificiellement, sans doute à grands frais. Et pour le noir pur, absolu, synthétique, pour la perfection du noir, faites confiance aux techniciens.
FAUX MYSTÈRES
S'éveiller d'un sommeil séculaire devant un mur de briques et dire: l'automne commence. Lire quatre mots déchirés d'une longue phrase et dégager l'auteur de son piège. A la couleur d'un poisson mort savoir si la mer est grosse. Entendre la musique d'une fleur sur la terre sèche de janvier. Respirer la fumée avant que la flamme ne se décide à prendre.
Ces choses font de l'effet mais elles sont à la portée des petits devins, des mystagogues de basse volée. Ce que l'on conçoit bien n'a plus qu'à naître. Les difficultés viennent après.
SIGNES
Perdre une lampe dans la forêt: présage de bonnes lectures. Lever un renard à midi: du travail se néglige. Trouver un engrenage édenté: lettre d'un inconnu. Mâcher une poutre en rêve: calomnies d'un proche. Maison natale en feu: armoiries à l'étude. Tourner une clé folle: envie d'une marotte. Médaille dans le rôti: samedis ensoleillés. Plusieurs timbaliers ivres: du souci prévu. Désir d'une femme: rien d'autre.
Dioscures
(ou jamais l'un sans l'autre)
Comme le verre et le vin
Comme la pierre et le lierre
Comme deux doigts de la main
Comme l'œil et la paupière
Comme la glace et le tain
Le vitrail et la lumière
La rivière et le chemin
Le taillis et la clairière
Comme l'encre et l'encrier
Pour un trait qui ne dévie
Et la plume et le papier
Au grand cahier de la vie
Comme l'horloge et le temps
Comme la somme et le nombre
Comme la vague et le vent
Comme le soleil et l'ombre
Dans le monde ou dans les fables
Ce sont les inséparables.
CHUTE-DÉCOR
De grands paquets tombent continuellement dans le vide, de l'autre côté. Dans le vide, continuellement. De grands paquets. De quoi? Ficelés, agrafés, collés? On ne sait pas.
On ne voit pas bien. On n'a pas le temps de voir. C'est de l'autre côté, dans le vide. Ils tombent, sans se heurter. Régulièrement, ou presque. Pourquoi est-ce en paquets? Et seulement de l'autre côté, là où on ne peut pas savoir. Grands. Assez grands. D'assez grands paquets. Dans le vide, de l'autre côté. Continuellement. Des paquets.
De quelque chose, d'une chose, mais de quoi?
RÉTROBIOGRAPHIE
Peu après sa mort, la statue qu'on lui élève n'est déjà plus qu'approximativement ressemblante. Peu avant, on hésite encore à le nommer président d'honneur de l'Association. Il achève une carrière semée d'embûches dont il apprend à éviter les moins perfides, et qu'il inaugure d'ailleurs en remplaçant au pied levé son beau-frère, écarté par une maladie providentielle. Ses études terminées sans éclat sont menées sans ardeur excessive et dès l'école primaire il affiche pour l'arithmétique une aversion qu'il manifeste à son entrée au jardin d'enfant en avalant les haricots destinés au calcul. Ne rapporte-t-on pas avec fierté dans la famille qu'à vingt-sept mois à peine il appelle par leurs prénoms tous ses cousins sans se tromper? Il naît avec quelques jours de retard seulement et bien avant leur mariage ses parents ont choisi pour lui le prénom de Commode, avantageux quoiqu'inusité.
Septembre encore vert
On ne va pas laisser voir sa tristesse,
Et c'est triste du quitter la maison…
Il faudrait que l'été dure sans cesse.
Tournons la clé qui ferme la saison.
Nous avons tant joué que les vacances
Nous ont paru plus courtes que jamais.
Qu'est-ce qui va nous arriver en classe ?
– Es-tu sûr de revenir l'an prochain ?
Allons encore un peu sous la remise,
Là où nous avons gravé nos deux noms.
Qui peut les voir ? Rien que nous. On s'amuse
Tellement, maintenant qu'on se connaît.
Oh, que passent vite Noël et Pâques.
Les arbres là-bas jaunissent déjà.
Sur quatre fils veillent les hirondelles,
C'est ici le fief de Paul et de Jacques.