Nous verrons ce qu'il en est et en quoi la réception des mémoires dépend largement d'un climat historico-politique dont les éditeurs sont les premiers vecteurs. Nous nous sommes penchés sur les notices, pièces des éditeurs qui précèdent les Mémoires eux-mêmes et qui fonctionnent dans les grandes collections que nous avons analysées sur un modèles à peu près invariant : biographie du mémorialiste, intérêt des Mémoires, problème d'édition et d'authenticité. La lecture de ces notices est précieuse parce qu'elle fournit des renseignements sur les exigences éditoriales, historiques, politiques, sur les préjugés et les présupposés des éditeurs propres à déterminer la réception des Mémoires sur le plan générique.
Bien que la réception d'une œuvre commence dès avant sa publication, puisque l'auteur en parle, en lit des extraits, en prête – imprudemment – le manuscrit, la soumet à des juges, à des censeurs, à des libraires, on admettra pourtant que celle-ci constitue pour celle-là une étape essentielle, qui marque le passage de la diffusion à tour de rôle à la diffusion simultanée. Mais en multipliant les copies, on multiplie les intervenants. Au contraire de l'autographe sur lequel l'auteur conserve, même mort, sa tutelle – les ajouts, les ratures, les caviardages y sont immédiatement décelables -, le texte imprimé se soumet, docile, aux manipulations les plus étonnantes, les plus variées, les plus lourdes de conséquences : suppressions bien sûr, remaniements, corrections stylistiques qui vont parfois jusqu'à la réécriture, segmentation, traduction, attribution, sertissage dans l'apparat éditorial ou critique, inclusion dans un cycle ou une collection, enfin mise à l'index ou au panthéon.
Chaque notice est généralement précédée d'une longue biographie du mémorialiste qui permet de mieux connaître le chroniqueur qui ne donne souvent qu'une vue parcellaire de lui-même dans ses Mémoires […]. Mais c'est aussi l'occasion pour le lecteur de percevoir l'image plus particulière que les éditeurs donnent du mémorialiste.