Citations de Jean-Loup Amselle (20)
Mais au fait, que se passe-t-il en Occident ? C’est la crise, « crise de civilisation », tout d’abord. Mai 1968, c’est l’effondrement du mythe productiviste, de la croissance sans fin de l’économie. L’écologie fait florès, les technologies douces, celles qui ne meurtrissent pas la nature, font leur apparition dans les « communautés du Sud » autarciques. On bouffe bio, on souhaite également une société plus conviviale où les rapports sociaux soient transparents, à la mesure de l’homme. Small is beautiful. Le désir fait son apparition dans le champ intellectuel et la lutte de classes elle-même devient une affaire de libido. Le Club de Rome disserte sur la croissance zéro pendant que la crise économique mondiale se profile à l’horizon. Ce phénomène est encore accru par la hausse du prix du pétrole qui fait s’interroger sur les possibilités de maintien de la société de consommation. Le temps du monde fini commence... À l’Est rien de nouveau, rien d’exaltant en tout cas, le Goulag, c’est-à-dire le mal absolu, nous fait apprécier le bien-être relatif dont nous jouissons tous ici.
A partir de1930, l'administration essaya d'introduire des cultures commerciales en Guinée, du café au Fuuta (où l'expérience se solda par un échec) et en forêt (où elle réussit), et des plantations de bananes en Basse-Guinée, où elles profitèrent à ceux qui avaient les moyens de les entretenir: les Européens, les Libano-Syriens et quelques Africains appartenant à l'aristocratie.
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Pour réduire la résistance de plus en plus vive de ces populations, Alfa Yaya, le roi de Labé, dépêcha contre la région une colonne qui ne parvint à rétablir l'ordre qu'en brûlant Bandafasi, la capitale régionale (1887).
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La région de Kédougou a été très tôt soumise à de vastes mouvements de populations.Succédant aux Konyagi, aux Sonike, aux Jalonke, les Malinke, venant du nord et de l'est, s'installèrent au XIIIème siècle sur ces terres fertiles situées non loin des régions aurifères de Bambuk et du Galam.
Et s’il en est ainsi, c’est parce qu’aucune culture, aucune langue n’est jamais véritablement apparue si ce n’est comme le segment mal délimité d’un tissu continu de cultures et de langues
il n’existe pas de cultures pures ou vierges d’influences extérieure
Le fonds de commerce de l’anthropologie est encore aujourd’hui l’appréhension du ”primitivisme’‘ », les visions « d’un Indigène intemporel
Plutôt que de se fondre dans l’objet de recherche, il me semble que le regardeur doit aussi s’observer lorsqu’il regarde et que son rapport à l’objet ou au sujet doit être envisagé comme le rapport entre deux sujets, comme un rapport d’élocution susceptible d’être lui-même observé des deux cotés.
Se penser dans les autres et par les autres n’est pas forcément se penser contre soi
Intégrées dans des opérations de développement, soumises à des migrations dirigées vers les zones capitalistes ou les plantations, folklorisées par les agences de voyages, les « sociétés primitives », c’est-à-dire celles qu’étudient les ethnologues, sont véritablement quadrillées. Elles le sont d’autant plus que le champ des terrains possibles se rétrécit comme une peau de chagrin : les pays du tiers monde sont l’enjeu de conflits entre impérialismes rivaux, et les peuples du sud de la planète s’engagent chaque jour davantage dans des luttes de libération nationale.
L’historicité de Balandier, telle qu’elle est appliquée par lui aux sociétés africaines, est donc limitée de deux façons, d’une part elle ne concerne que pas ou peu les zones rurales et se manifeste donc principalement dans les villes. D’autres part, elle ne s’applique pas, ou peu, à la période précoloniale puisque le dynamisme des sociétés africaines est rabattu essentiellement sur la colonisation
De sorte que reconnaître le caractère ”politique” des sociétés africaines ”traditionnelles” oblige également à considérer, à l’inverse de la vulgate primitiviste, que ces dernières ont pu mettre en œuvre d’habiles procédures visant à assurer l’assujettissement des dominés par les couches dirigeantes des différentes unités politiques en question
Si le fait d’imposer les droits de l’homme (ou de la femme) constitue un mauvais usage de l’universalisme, et attire à juste titre les foudres des postcolonialistes, le relativisme culturel de ces derniers n’est pas non plus une solution satisfaisante dans la mesure où il empêche la saisie de ce que les Anglo-Saxons nomment commonalities, c’est à dire les caractéristiques communes aux différentes cultures.
Cette volonté de fixer des identités, par définition mouvantes, a pour effet de renvoyer les acteurs sociaux minoritaires à leurs supposées cultures d’origine, de même que d’assigner à résidence identitaire tous ceux qui, à un moment ou à un autre, ont revendiqué une spécificité par rapport au mainstream identitaire
Il s’agirait donc d’une intercompréhension entre des individus et des groupes, multiculturelle si l’on veut, mais qui ne ferait pas a priori l’hypothèse de l’inscription des individus dans des communautés de référence.
Il devrait être possible pour des individus se réclamant d’identités différentes de parvenir à l’élaboration d’un savoir réciproque, d’une coproduction des visions, des regards, des perceptions relatives aux uns et aux autres, à propos des uns et des autres.
Détestable parce qu’on enferme l’individu dans un nous collectif, dans une sorte de prison identitaire, du monde, manière quelque peu condescendante de désigner tout ce qui n’est pas le centre‘occidental, universel, la case absente du musée du Quai Branly, l’Europe en un mot, qui ne fait l’objet d’aucune exposition, qui ne s’expose pas au regard de l’autre exotique, elle.
Face à la perte de repères qui affecte l’ensemble des sociétés actuelles….on aurait tout intérêt à se tourner vers Gramsci et sa pensée pour retrouver la voie d’une analyse concrète des sociétés concrètes, d’une analyse qui ne se satisfasse pas d’une approche postmoderne à tendance culturaliste, d’une approche conduisant inévitablement à une ethnoracialisation des catégories sociales.
La mise en avant de la race, de l’ethnie et de la culture, en un mot de la pensée du fragment, induit en effet simultanément la défense forcenée de telle ou telle identité et sa récusation immédiate
chaque civilisation est la résultante de toute une série d’échanges, de contacts et d’emprunts avec les autres