AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Agneslitdansonlit


"Londres, en juin 1940, ce n'était pas une ville où l'on arrivait, mais une ville d'où l'on partait ", résume Élisabeth de Miribel, qui fait état du peu de soutien ou même de sympathie rencontré par le général de Gaulle au sein de la communauté française dans cette période initiale.

« La panique régnait chez les Français en mission, ils étaient environ 800, à l'ambassade et dans la colonie française, raconte-t-elle. Les uns, comme anéantis, étaient submergés de douleur et de honte. Les autres, persuadés que l'Angleterre serait submergée et battue, ne songeaient qu'à s'enfuir et à sauver les meubles. C'est dans cette atmosphère que retentit le premier appel du général de Gaulle. Pour la plupart des Français, il était un inconnu (...) et voilà que cet homme seul osait soudain braver la hiérarchie militaire, remettre en question la parole du maréchal Pétain et appeler les Français à reprendre le combat! Dans les milieux officiels, on criait au scandale. [...] Quant au personnel de l'ambassade de France, il préférait éviter de nous rencontrer. Pour certains, nous étions des aventuriers, pour les autres des gêneurs. "
La plupart des défections survenues durant l'été 1940 émanent du même microcosme d'intellectuels et de journalistes devenus vite réfractaires à la personnalité ou à l'action politique du général de Gaulle. [...] Après André Maurois, biographe de Disraeli et proche de la famille royale, c'est un autre écrivain célèbre, Jules Romains, qui choisit de s'éloigner de Londres pour aller se réfugier outre- Atlantique. Dans cette élite littéraire du moment, le général ne tiendra rigueur durablement qu'à un seul auteur, par ailleurs diplomate, de son départ précipité, qui lui vaudra d'ailleurs d'être sanctionné à son retour en métropole pour abandon de poste: Paul Morand. Lui, c'est pire encore! s'exclamera-t-il devant Alain Peyrefitte des années plus tard avec la même rancœur. Morand était un grand écrivain, choyé comme tel à Londres. Et il était très introduit dans la société anglaise (...) Nous ne connaissions personne. Vous imaginez de quel poids aurait été son ralliement ! Il aurait pu apporter à la France Libre le faisceau de relations qu'il s'était faites par sa renommée littéraire et son succès auprès des dames. Il m'a manqué (...) Morand est impardonnable. » Et d'ajouter, après un temps de silence: Sa femme avait du bien. Quand on a du bien, on le fait passer avant la patrie. Les Français qui avaient du bien ne m'ont pas rejoint".

C'est à ces mêmes réflexes conservateurs que le général imputait la défection non seulement de Morand mais de beaucoup d'autres, au point d'établir une distinction sociale entre ceux qui le rallièrent. Issus du peuple ou de l'aristocratie pour nombre d'entre eux, et les autres, des bourgeois, grands ou petits, rivés à leurs titres et à leur patrimoine:

"Ce qui a rendu si rares les Français libres, c'est le fait que tant de Français soient propriétaires. Ils avaient à choisir entre leur propriété - leur petite maison, leur petit jardin, leur petite boutique, leur petit atelier, leur petite ferme, leur petit tas de bouquins ou de bons du Trésor et la France. Ils ont préféré leur propriété. Quels ont été les premiers Français libres ? Des braves types comme les pêcheurs de l'île de Sein, qui ne possédaient que leur barque et l'emmenaient avec eux ; des garçons sans attache, qui n'avaient rien à perdre ; des juifs qui se sauvaient parce qu'ils devinaient qu'ils allaient tout perdre. Ceux qui avaient à choisir entre les biens matériels et l'âme de la France, les biens matériels ont choisi à leur place. Les possédants sont possédés par ce qu'ils possèdent." (P.413)
Commenter  J’apprécie          60





Ont apprécié cette citation (6)voir plus




{* *}