Certains mangeront les fruits de leur destin avant de le connaître, d'autres, moins rapides, apprendront à faire de leur destin un défi avant d'y goûter. Quant à moi, en tous cas, j'ai choisi cette dernière voie. Même si pour cela, je dois souvent brûler ma course, boire ma cadence et égrener le sel de ma souffrance". (Jean-Marc Tera'ituatini Pambrun, "L'allégorie de la Natte" 1993).
Extrait du Bambou noir : "Le froissement de la guirlande de 'auti sur l'oreiller l'a tiré de ses réflexions. Il s'est levé, l'a ôtée de son cou et a cherché un endroit pour la suspendre. Il a avisé sa lampe de bureau qui était restée allumée. Il y a accroché le cordon de feuilles et s'apprêtait à éteindre la lumière et à s'en aller, mais, attiré par le dessin sous verre qui décorait toujours la surface de son bureau, il s'est ravisé et s'est assis, habité soudain d'une grande tendresse pour son œuvre inachevée. Il a ouvert les doigts de sa main gauche et les a passés sur toute la surface du verre, en le caressant à peine, juste pour en ressentir les moindres vibrations. Et puis, il s'est mis à parler à son dessin pour lui faire partager une évidence toute simple : il était bien le seul à l'avoir accompagné durant ces dix dernières années et à avoir progressé. Il a retiré le verre et a porté l'esquisse à ses narines. Elle avait l'odeur un peu piquante du bois humide. Il a pris un crayon et en a posé la pointe à la base du menton du tiki, ou plutôt de l'idole censée représenter Alexandre.
Il a tracé deux lignes tremblotantes, verticales, parallèles et espacées de quelques millimètres pour figurer l'écorce d'une tige de 'auti. Il les a reliées l'une à l'autre par une série de caractères hélicoïdaux destinés à donner l'illusion d'une torsade. Enfin, il a esquissé au sommet de la tige un bouquet de plusieurs feuilles alternes. L'ouvrage terminé donnait l'impression que le tiki, incrusté dans le feuillage, était devenu l'esprit de la plante. Le Tahitien a éteint la lumière, s'est accoudé pour prendre son front entre ses mains et a fermé les yeux. Il n'avait plus envie de penser" (pp. 160-161).
N'hésite pas à déclarer que ceux qui ne partagent pas l'opinion des autres, mais annoncent qu'ils feront tout pour qu'elles puissent être exprimées, le fassent immédiatement ou alors se taisent à jamais. La liberté d'opinion n'a que faire d'éclopés de la pensée, et la liberté tout court ne peut souffrir de conscience borgne.
JMarc Tera'ituatini alias Le Sale petit prince.
À chaque minute de mon existence, le monde de mes ancêtres – notre monde me perce le cœur, fouille mes entrailles et trouble mes pensées. Comment pourrais-je cesser de penser à eux et de renoncer à dire ou écrire ce que je vois, ce que j’entend, ce que je sens, ce que je rêve ?
("Paroles tragiques de l’écrivain ma’ohi" in Dixit de Polynésie française, Papeete, 2001).