Jean-Marie Besset, auteur de théâtre, répond à la question : "Y a-t-il des passerelles entre les différentes formes de création ?" dans le cadre d'une série d'interviews réalisées par la SACD.
Tu as là la réponse, Mathilde, la vie précède l'art. Et elle lui est supérieure. Car il peut y avoir une vie sans l'art. Mais pas d'art sans la vie. Et je te dis moi que ce qui se passe quand nous aimons, c'est infiniment plus beau que ce que nous en disons.
Que les gestes aient un sens, c'est tout ce que je demande. Qu'on ne se méprenne pas. Que si on veut faire une chose, on n'en fasse pas une autre. Qu'on ait pas l'air de vouloir ce qu'il paraît que je veux. Qu'on le veuille !
La dernière fois que nous avons fait l'amour, je n'ai pas eu conscience que c'était la dernière fois. Sinon je m'en souviendrais maintenant. De la date. De la dernière fois. Vous avez remarqué comme quand les choses qu'on fait habituellement, très souvent s'arrêtent, on ne comprend jamais sur le moment que c'est la dernière fois qu'elles ont lieu ? Parce que du temps qu'on les faisait fréquemment, ces choses, elles paraissaient illimitées, elles paraissaient devoir se répéter un nombre incalculable de fois. Comme les levers et les couchers de soleil au fond.
Quoique cet âge d'or pour moi, se soit passé, en nuits entières à t'attendre contre un pilier, ou sur des marches, cramponnée à mon verre de vodka-orange, parmi des gens vautrés. On ne savait même plus si on était à Paris ou à New York. La même musique, la même faune, la même chose dans le verre. C'était ton âge d'or. C'était mon époque vodka-orange.
Il est vrai que ma vie jusque-là était assez notre vie. Je me rends compte aussi que le temps imparti n'est pas élastique, et que les jours, les soirées, les week-ends passés avec l'une sont forcément autant de jours, de soirées, de week-ends qu'on passe sans l'autre. C'est la loi de l'affection, on prétend élargir lorsqu'en fait on retranche.
Que puis-je dire ? Que puis-je ajouter à ce que je ne ressens pas ? Le sexe d'un homme se dresse, ou ne se dresse pas. Toute la littérature et l'élévation de sentiments au monde ne peuvent rien changer à ce petit levier-là. Tout échoue ou tout réussit là. Tout en découle, tout y conduit.
Mathilde - Au moins, ça te donne un goût de l'effet que ça fait, de se sentir exclu du bonheur de l'autre.
Guillaume - C'est à mourir, non ?
Mathilde - Oui. Ou à se replier sur un état de sensation intermédiaire.
Rien ne me flatte, crois-le. Pas plus ta demande que ma réponse. Tout là-dedans me peine, m'ébranle, me dépite. Je t'en supplie. Sors-nous de cette impasse.
Jean
La grande illusion, c'est le couple. On vit tous à trois ou quatre.
Blanche
Mais deux par deux, c'est ça le problème.