Tu as là la réponse, Mathilde, la vie précède l'art. Et elle lui est supérieure. Car il peut y avoir une vie sans l'art. Mais pas d'art sans la vie. Et je te dis moi que ce qui se passe quand nous aimons, c'est infiniment plus beau que ce que nous en disons.
Quoique cet âge d'or pour moi, se soit passé, en nuits entières à t'attendre contre un pilier, ou sur des marches, cramponnée à mon verre de vodka-orange, parmi des gens vautrés. On ne savait même plus si on était à Paris ou à New York. La même musique, la même faune, la même chose dans le verre. C'était ton âge d'or. C'était mon époque vodka-orange.
Il est vrai que ma vie jusque-là était assez notre vie. Je me rends compte aussi que le temps imparti n'est pas élastique, et que les jours, les soirées, les week-ends passés avec l'une sont forcément autant de jours, de soirées, de week-ends qu'on passe sans l'autre. C'est la loi de l'affection, on prétend élargir lorsqu'en fait on retranche.
Que puis-je dire ? Que puis-je ajouter à ce que je ne ressens pas ? Le sexe d'un homme se dresse, ou ne se dresse pas. Toute la littérature et l'élévation de sentiments au monde ne peuvent rien changer à ce petit levier-là. Tout échoue ou tout réussit là. Tout en découle, tout y conduit.
Mathilde - Au moins, ça te donne un goût de l'effet que ça fait, de se sentir exclu du bonheur de l'autre.
Guillaume - C'est à mourir, non ?
Mathilde - Oui. Ou à se replier sur un état de sensation intermédiaire.
Jean-Marie Besset, auteur de théâtre, répond à la question : "Y a-t-il des passerelles entre les différentes formes de création ?" dans le cadre d'une série d'interviews réalisées par la SACD.