Or il se trouve que dans des cas exceptionnels, qui constituent autant de dilemmes pour la réflexion éthique, la visée maximisatrice globale prescrit de transgresser les interdits et de se soustraire aux obligations de la morale de sens commun. Celle-ci, du point de vue du conséquentialisme, se trouve donc dans la position paradoxale d'avoir à refuser absolument ce qui, globalement, minimiserait le mal et maximiserait le bien, et ce au nom d'interdits et d'obligations qui n'ont pas d'autre justification que d'empêcher ce mal et de favoriser ce bien. “Tu ne tueras point”, soit. Mais si, en tuant un innocent, j’évite que vingt-deux autres innocents soient tués? Si vraiment je considère que le meurtre d'un innocent et une chose abominable alors l'interdit qui frappe le meurtre, dans ce cas, apparaît contraire à la raison. La morale traditionnelle (chrétienne, kantienne, déontologique) semble donc coupable d’irrationalisme. Elle refuse de “reculer pour mieux sauter”; elle n'accepte pas la logique du sacrifice ;elle rejette le principe du détour.