XIX
C’est lorsque nous savons être dans le cri
sans le cri
lorsque avant même de verser des larmes
nous avons compris l’agonie des larmes
et que parvenus au bout du souffle
nous n’ignorons plus rien
de la fraîcheur qui manque
c’est alors que douloureusement fertilisé
cet autre cœur
qui n’est pas un muscle
c’est alors qu’il bat plus souplement
et qu’à notre gorge ainsi se dénoue
le collier des flammes
qu’ainsi s’apaise la violence des jours
où l’homme sans fin connaît sa défaite
il nous faut vivre cette espérance
pareille à la brève résurrection des herbes
après qu’elles ont bu le feu et l’eau des orages
il nous faut tenir à cette idée
qui promet un ciel au centre de toutes choses
mais à cela ne croire que la bouche légère
et avec cette précaution du geste
qu’ont les pêcheurs de lune dans l’étang
dans la chambre au centre des caresses
la lumière nous sera suffisante
ignorant la guêpe sous l’oreiller
oui chaque fois creusant dans la lumière
sans durée
nous serons mon amour liés à la seule certitude
elle est une autre respiration
comme une neige
sur les arbres
délivrés
nous aurons
un cœur simple
devant la mort
pp. 53-54