La ligne de démarcation entre le bien et le mal s’est modifiée à la faveur d’un flou conceptuel hallucinant parce qu’elle se fonde sur l’émotion plus que sur la raison. […]. Cette émotion devient irréfutable. Elle coupe court à tout débat, à toute discussion.
La notion d’intelligence émotionnelle est un abus de langage qui laisserait supposer une opposition à une intelligence rationnelle. Cependant, il n’en est rien ; il est bien plutôt question d’une compréhension raisonnée des émotions qu’il s’agit d’intégrer à la conduite de la vie.
Il est manifeste que notre époque n’est pas véritablement en crise de valeurs mais que c’est le sens de notre vie qui fait défaut. Et parce que nous ignorons où nous allons, parce que nous ne parvenons pas à établir les raisons de notre présence ici, nous nous tournons le plus souvent vers le prêt-à-penser de la modernité et nous défendons une conception abusive de la tolérance.
Le manque chronique de travail dans lequel s’enfoncent nos sociétés attise la dérive émotionnelle globale parce qu’elle trempe dans le sentiment de culpabilité.
« Parcourir la longue route, c’est attendre que notre banalité s’élève, et ainsi, comme une statue de Giacometti, se débarrasser du superflu et renouer avec la pluralité du simple. La route est une pierre ponce gigantesque, et l’homme de la route ne méprise rien, aucune lumière, aucune odeur. Tout prend une importance accrue à ses sens, car elle joue comme une loupe. »
L’émotion collective devant l’horreur ou devant la souffrance offerte en pâture grâce aux images fortes pousse à dénoncer plus qu’à agir.
Refuser une tombe décente à un cadavre, c'est condamner son âme à ne jamais trouver le repos et à ne jamais pouvoir rejoindre le royaume de l'Hadès. C'est la pire des condamnations, la plus sacrilège aussi. On doit enterrer les morts, quels qu'ils soient, telle est la loi qui s'applique à tout humain.
[…] Les valeurs que notre civilisation a su peu à peu mettre en place se sont fragilisées. Elles se sont fragilisées sout le coup de ceux qui prétendaient les défendre parce qu’ils défendaient avec émotion, c’est-à-dire subjectivement au lieu de les défendre universellement. On a dépecé les valeurs humanistes ou judéo-chrétiennes de toute chair, et on ne leur a laissé qu’une ossature qui sera balayée au premier vent contraire.