Jean Vogel

Le sous-titre d’un livre est très souvent plus porteur de sens que le titre plus accrocheur, c’est le cas pour le témoignage de Jean Vogel, maire de Saâles, village pauvre du massif des Vosges limitrophe de l’Alsace et de la Lorraine, depuis 25 ans. Ce sous-titre est : le combat d’un maire pour réveiller la France rurale.

Ingénieur, paysan, écolo Jean Voegel décrit de manière chronologique, précise, pédagogique, son parcours de maire. Son livre est truffé de portraits des personnes rencontrées, surtout des habitants qu’ils soient du pays ou de nouveaux arrivés, mais aussi ces collègues et de politiques qu’il a croisé.

Son livre évoque d’innombrables projets, personnels, d’entrepreneurs, pour sa commune, sa région, pour le commerce équitable, pour sortir de crises telles la tempête de 1999, la sortie de l’état de friche d’un ancien hôtel, ou encore la recherche d’une solution sortir par le haut d’une situation liée à la gestion calamiteuse d’un ancien hospice, la rénovation exemplaire et originale d’un VVF.

Faire corps avec son territoire, le développer, susciter, encourager et accompagner les initiatives privées et collectives, échouer, recommencer, constitue le fil rouge de ce témoignage.

Je recommande fortement sa lecture à ceux qui connaissent bien ces problématiques au travers de leurs engagements ou de leurs activités professionnelles et pour ceux qui sont très éloignés de ces réalités.

Jean Voegel souligne les contradictions notamment autour de la protection du foncier agricole et du type d’urbanisme que nous connaissons et un mandat de maire. Il donne plusieurs exemples de ses capacités managériales, qu’il a su développer au fil du temps et qui sont absolument nécessaires pour choisir ou influencer fortement les choix et mettre the right man (woman) on the right place. Il a su aussi développer sa capacité à médiatiser et à activer des réseaux au service de sa collectivité.



Néanmoins, cet ouvrage est à mon avis très intéressant par sa remarquable description du mal rural français. Quatre constats :

- Les très petites entreprises en milieu rural sont obligées de travailler beaucoup plus pour gagner moins

- Les normes ont explosé depuis 2015, elles constituent un outil jamais égalé de déménagement du territoire, je reproduis ici l’expression de Jean Voegel.

- Il n’y a jamais eu et toujours pas de péréquation financière entre collectivités locales, les inégalités ( taxe professionnelle, taxe foncière) n’ont pas été corrigées

- ET peut-être le plus important : la judiciarisation de notre société détruit tous les biens et services collectifs, principalement chez les plus pauvres.

Jean Voegel fait le constat amer, mais hélas pertinent pou moi, de l’impossibilité aujourd’hui de boucler des plans de financement d’opérations structurantes, il cite la rénovation BBC du petit village vacances de quarante logements sur sa commune qui sera sa « der des der ».

Le mouvement des gilets jaunes, le Grand débat qui a suivi, et la réhabilitation au sein de la république de la figure du maire, sont venus faire prendre conscience de ces réalités.

Jean Voegel nous montre par le menu et avec force ce que cela signifie d’être solidaire, avec constance, détermination, patience. Saâles peut en être fière et se créer un avenir, et ses successeurs notamment les jeunes de là et partout en milieu rural, s’en inspirer.