Citations de Jean-Yves Montagu (23)
A hauteur d'aigle, l'automne y est flamboyant. Dès la fin du mois d'août, il tapisse de bruyère mauve la toundra et descend à travers les forêts d'érables, de pins, de chênes et d'épicéas jusque dans le nord de l'Arizona, en plaquant les versants de l'or des trembles.
A Crater Lake, l'eau évoque irrésistiblement la mort belle et fidèle, mais aussi ce fantôme limpide des eaux, qui, en se cristallisant, sous l'effet de l'inspiration, enfante le Verbe.
J'aurais aimé vous mettre la photo de cette chute "Lower falls". On aurait réellement pense qu'il s'gissait d'une peinture d'un grand peintre connu.
Malheureusement il n'y avait pas assez d'espace
Ame des villes, le Grand Canyon n'est pas un salon où l'on cause, mais un sanctuaire qui éprouve le fidèle dans un corps à corps où l'épuisement voisine avec l'ivresse.
La nature devient fresque où le dieu des images installe ses oeuvres comme des chapelets d'invocation à une Atlantide disparue.
Le vide est rempli de présences muettes.
A toute heure, le Grand Canyon frappe par son silence étincelant quiconque garde cette capacité d'habiter ses terres rouges et bleues, car même le ciel ici est une matière.
Au Grand Canyon, l'oeil retrouve l'inspiration romantique qui resurgit dans la conscience comme des sources en forme de résurgences dans lesquelles les éléments naturels installent leur secrète alchimie.
Dans le chaos du Colorado, à quoi s'accroche l'âme?
Mais avant que le soleil ne bascule derrière l'horizon, j'ai eu le temps de saisir son dernier rayon, celui dont les Indiens disent qu'il sera toujours la corde de musique de l'Esprit.
A Monument Valley, le recueillement possède un coeur démesuré : "une volonté pure inondait notre monde. On entendait passer le souffle qui féconde" écrivait Longfellow.
Arch National Park illustre admirablement le dialogue de l'image et de la matière.
Quand on s'aventure dans le grand canyon, il est bon de savoir que ce lieu échappe à tous les instruments de mesure.
Crater Lake est un songe séminal qui vous fait accéder au mystère des figures originelles.
La matière est là dans son étendue parfaite comme un rêve qui s'insinue à la manière d'un ruisseau dont le destin est de couler jusqu'à cette mort horizontale, comme un lac d'éternité et de lumière froide.
Si le Far West incarne la notion d'infini, ses lacs projettent dans une autre dimension tout aussi essentielle : la profondeur.
Le "moose", élan d'Amérique, est une bête puissante, pas très belle mais majestueuse, au pelage fauve, à la tête énorme et quelque peu disproportionnée, dont la longue barbiche s'agite au rythme d'un ruminement continuel.
Maintenant le campement s'est enfoui dans la nuit, la grande nuit américaine avec sa voûte d'étoiles. Elles ressemblent à des fleurs piquetées sur un drapeau silencieux.
Ce soir, je me suis habillé d'étoiles pour la leçon des ténèbres. Malgré l'immensité du lieu, la lumière ressemble à une lumière de cloître. Pourquoi faut-il toujours un mur pour renvoyer l'écho?
Aujourd'hui il y a exactement sept pics de lumière qui me cernent, sept pointes de feu plantées sur le pelage de la nuit qui tressaille comme le dos d'un coyote devant une charogne.