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Citations de Jean de Sponde (32)


Jean de Sponde
Ces masques déguisés, dont la troupe folâtre
S'amuse à caresser je ne sais quels donneurs
De fumées de Cour, et ces entrepreneurs
De vaincre encor le Ciel qu'ils ne peuvent combattre ?

Qui sont ces louvoyeurs qui s'éloignent du Port ?
Hommagers à la Vie, et félons à la Mort,
Dont l'étoile est leur Bien, le Vent leur fantaisie ?

Je vogue en même mer, et craindrais de périr
Si ce n'est que je sais que cette même vie
N'est rien que le fanal qui me guide au mourir.

P. S. : Extrait d'un sonnet dont la froide ancienneté m'a rappelé la brûlante actualité.
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Jean de Sponde
SONNETS DE LA MORT


X Mais si mon foible corps qui comme l’eau s’escoule

Mais si mon foible corps qui comme l’eau s’escoule,
(Et s’affermit encor plus longtemps qu’un plus fort,)
S’avance à tous moments vers le sueil de la mort,
Et que mal dessus mal dans le tombeau me roule,

Pourquoy tiendray-je roide à ce vent qui saboule
Le Sablon de mes jours d’un invincible effort ?
Faut-il pas resveiller cette Ame qui s’endort,
De peur qu’avec le corps la Tempeste la foule ?

Laisse dormir ce corps, mon Ame, et quant à toy
Veille, veille et te tiens alerte à tout effroy,
Garde que ce Larron ne te trouve endormie :

Le poinct de sa venüe est pour nous incertain,
Mais, mon Ame, il suffist que cest Autheur de Vie
Nous cache bien son temps, mais non pas son dessein.
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O la plaisante Mort qui nous pousse à la Vie,
Vie qui ne craint plus d'être ravie !
O le vivre cruel qui craint encor la Mort !
Ce vivre est une Mer où le bruyant orage
Nous menace à tous coups d'un assuré naufrage :
Faisons, faisons naufrage, et jettons nous au Port.
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Je m'ennuie, de vivre, et mes tendres années,
Gémissant sous le faix de bien peu de journées,
Me trouvent au milieu de ma course cassé :
Si n'est-ce pas du tout par défaut de courage,
Mais je prends, comme un port à la fin de l'orage,
Dédain de l'avenir pour l'horreur du passé.

J'ai vu comme le Monde embrasse ses délices,
Et je n'embrasse rien au Monde que supplices,
Ses gais printemps me sont de funestes hivers,
Le gracieux Zéphir de son repos me semble
Un Aquilon de peine, il s'assure et je tremble,
Ô que nous avons donc de desseins bien divers !

Ce Monde, qui croupit ainsi dedans soi-même,
N'éloigne point jamais son cœur de ce qu'il aime,
Et ne peut rien aimer que sa difformité :
Mon esprit au contraire hors du Monde m'emporte,
Et me fait approcher des Cieux en telle sorte
Que j'en fais désormais l'amour à leur beauté.
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Voulez-vous voir ce trait qui si roide s’élance
Dedans l’air qu’il poursuit au partir de la main ?
Il monte, il monte, il perd : mais hélas ! tout soudain
Il retombe, il retombe, et perd sa violence.

C’est le train de nos jours, c’est cette outrecuidance
Que ces Monstres de Terre allaitent de leur sein,
Qui baise ores des monts le sommet plus hautain,
Ores sur les rochers de ces vallons s’offense.

Voire, ce sont nos jours : quand tu seras monté
À ce point de hauteur, à ce point arrêté
Qui ne se peut forcer, il te faudra descendre.

Le trait est empenné, l’air qu’il va poursuivant
C’est le champ de l’orage : hé ! commence d’apprendre
Que ta vie est de Plume, et le monde de Vent.

Sonnet sur la mort - 8ème
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Mon Dieu, que je voudrais que ma main fût oisive,
Que ma bouche et mes yeux reprissent leur devoir.
Écrire est peu : c’est plus de parler et de voir,
De ces deux œuvres l’une est morte et l’autre vive.

Quelque beau trait d’amour que notre main écrive,
Ce sont témoins muets qui n’ont pas le pouvoir
Ni le semblable poids, que l’œil pourrait avoir
Et de nos vives voix la vertu plus naïve.

Mais quoi : n’étaient encor ces faibles étançons
Et ces fruits mi-rongés dont nous le nourrissons,
L’Amour mourrait de faim et cherrait en ruine :

Écrivons attendant de plus fermes plaisirs,
Et si le temps domine encor sur nos désirs,
Faisons que sur le temps la constance domine.
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O la plaisante Mort qui nous pousse à la Vie,
Vie qui ne craint plus d'être ravie !
O le vivre cruel qui craint encor la Mort !
Ce vivre est une Mer où le bruyant orage
Nous menace à tous coups d'un assuré naufrage :
Faisons, faisons naufrage, et jettons nous au Port.
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SONNETS SUR LE MESME SUBJECT



[9]

Qui sont, qui sont ceux-là, dont le cœur idolatre,
   Se jette aux pieds du Monde, et flatte ses honneurs ?
   Et qui sont ces valets, et qui sont ces Seigneurs ?
   Et ces Ames d’Ebene, et ces faces d’Albastre ?
Ces masques desguisez, dont la troupe folastre,
   S’amuse à caresser je ne scay quels donneurs
   De fumées de Court, et ces entrepreneurs
   De vaincre encor le Ciel qu’ils ne peuvent combattre ?
Qui sont ces lovayeurs qui s’eslognent du Port ?
   Hommagers à la vie, et felons à la Mort,
   Dont l’estoille est leur Bien, le Vent leur fantasie ?
Je vogue en mesme mer, et craindroy de perir,
   Si ce n’est que je scay que ceste même vie
   N’est rien que le fanal qui me guide au mourir.
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Sonnets de la Mort – XII – Tout s’enfle contre moy


Tout s’enfle contre moy, tout m’assaut, tout me tente,
Et le Monde, et la Chair, et l’Ange révolté,
Dont l’onde, dont l’effort, dont le charme inventé
Et m’abisme, Seigneur, et m’esbranle, et m’enchante.

Quelle nef, quel appuy, quelle oreille dormante,
Sans péril, sans tomber, et sans estre enchanté,
Me donras-tu? Ton Temple où vit ta Saincteté,
Ton invincible main, et ta voix si constante ?

Et quoy ? Mon Dieu, je sens combattre maintes fois
Encor avec ton Temple, et ta main, et ta voix,
Cest Ange revolté, ceste Chair, et ce Monde.

Mais ton Temple pourtant, ta main, ta voix sera
La nef, l’appuy, l’oreille, où ce charme perdra,
Où mourra cest effort, où se rompra ceste onde.
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Que faites-vous dedans mes os,
Petites vapeurs enflammées,
Dont les pétillantes fumées
M'étouffent sans fin le repos ?

Vous me portez de veine en veine
Les cuisants tisons de vos feux,
Et parmi vos détours confus
Je perds le cours de mon haleine.

Mes yeux, crevés de vos ennuis,
Sont bandés de tant de nuages
Qu'en ne voyant que des ombrages
Ils voyent des profondes nuits.

Mon cerveau, siège de mon âme,
Heureux pourpris de ma raison,
N'est plus que l'horrible prison
De votre plus horrible flamme.

J'ai cent peintres dans ce cerveau,
Tous songes de vos frénaisies,
Qui grotesquent mes fantaisies
De feu, de terre, d'air et d'eau.

C'est un chaos que ma pensée
Qui m'élance ore sur les monts,
Ore m'abîme dans un fond,
Me poussant comme elle est poussée.

Ma voix qui n'a plus qu'un filet
A peine, à peine encore tire
Quelque soupir qu'elle soupire
De l'enfer des maux où elle est.

Las ! mon angoisse est bien extrême,
Je trouve tout à dire en moi,
Je suis bien souvent en émoi,
Si c'est moi-même que moi-même.

A ce mal dont je suis frappé
Je comparais jadis ces rages
Dont Amour frappe nos courages,
Mais, Amour, je suis bien trompé,

Il faut librement que je die :
Au prix d'un mal si furieux,
J'aimerais cent mille fois mieux
Faire l'amour toute ma vie.
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Un chagrin survenant mille chagrins m’attire,
Et me cuidant aider moi-même je me nuis ;
L’infini mouvement de mes roulants ennuis
M’emporte, et je le sens, mais je ne le puis dire.
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Tout s'enfle contre moy, tout m'assaut, tout me tente,
Et le Monde et la Chair, et l'Ange revolté,
Dont l'onde, dont l'effort, dont le charme inventé
Et m'abisme, Seigneur, et m'esbranle, et m'enchante.

Quelle nef, quel appuy, quelle oreille dormante,
Sans peril, sans tomber, et sans estre enchanté,
Me donras tu? Ton Temple où vit ta Sainteté,
Ton invincible main, et ta voix si constante ?

Et quoy ? mon Dieu, je sens combattre maintes fois
Encor avec ton Temple, et ta main, et ta voix,
Cest Ange revolté, ceste Chair, et ce Monde.

Mais ton Temple pourtant, ta main, ta voix sera
La nef, l'appuy, l'oreille, où ce charme perdra,
Où mourra cest effort, où se rompra ceste onde.
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STANCES DE LA MORT
VII
  
  
  
  
Tandis que dedans l'air un autre air je respire,
Et qu'à l'ennui du feu j'allume mon désir,
Que j'enfle contre l'eau les eaux de mon plaisir,
Et que je colle à Terre un importun martyre,

Cet air toujours m'anime, et le désir m'attire,
Je recherche à monceaux les plaisirs à choisir,
Mon martyre élevé me vient encor saisir,
Et de tous mes travaux le dernier est le pire.

A la fin je me trouve en un étrange émoi,
Car ces divers effets ne sont que contre moi,
C'est mourir que de vivre en cette peine extrême.

Voilà comme la vie à l'abandon s’épard,
Chaque part de ce Monde en emporte sa part,
Et la moindre à la fin est celle de nous-même.
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Jean de Sponde
SONNETS DE LA MORT


I Mortels, qui des mortels avez pris vostre vie,

Mortels, qui des mortels avez pris vostre vie,
Vie qui meurt encor dans le tombeau du Corps,
Vous qui r’amoncelez vos tresors, des tresors
De ceux dont par la mort la vie fust ravie :

Vous qui voyant de morts leur mort entresuivie,
N’avez point de maisons que les maisons des morts,
Et ne sentez pourtant de la mort un remors,
D’où vient qu’au souvenir son souvenir s’oublie ?

Est-ce que votre vie adorant ses douceurs
Deteste des pensers de la mort les horreurs,
Et ne puisse envier une contraire envie ?

Mortels, chacun accuse, et j’excuse le tort
Qu’on forge en vostre oubli. Un oubli d’une mort
Vous monstre un souvenir d’une éternelle vie.
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Si j’avois comme vous mignardes colombelles
Des plumages si beaux sur mon corps attacgez,
On auroit beau tenir mes esprits empeschez
De l’indomptable fer de cent chaines nouvelles :
Sur les aisles du vent je guiderois mes aisles
J’irois jusqu’au sejour où mes biens sont cachez,
Ainsi voyant de moy ces ennuis arrachez
Je ne sentirois plus ces absences cruelles.
Colombelles hélas ! que j’ay bien souhaité
Que mon corps vous semblast autant d’agilité
Que mon ame d’amour à vostre ame ressemble :
Mais quoy, je le souhaite, et me trompe d’autant,
Ferois-je bien voller un amour si constant
D’un monde tout rempli de vos aisles ensemble ?
Sonnets de la Mort – 03



Ha ! que j’en voy bien peu songer à ceste mort
Et si chacun la cerche aux dangers de la guerre !
Tantost dessus la Mer, tantost dessus la Terre,
Mais las ! dans son oubli tout le monde s’endort.

De la Mer, on s’attend à ressurgir au Port,
Sur la Terre, aux effrois dont l’ennemy s’atterre :
Bref, chacun pense à vivre, et ce vaisseau de verre
S’estime estre un rocher bien solide et bien fort.

Je voy ces vermisseaux bastir dedans leurs plaines
Les monts de leurs desseins, dont les cimes humaines
Semblent presque esgaler leurs cœurs ambitieux.

Geants, où poussez-vous ces beaux amas de poudre ?
Vous les ammoncelez ? Vous les verrez dissoudre :
Ils montent de la Terre ? Ils tomberont des Cieux.
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Tu surmontes tantôt, mais tantôt tu succombes,
Tu vas tantôt au Ciel, mais tantôt tu retombes,
Et le Monde t'enlasse encore en ses détours :
C'est bien, car tu crains ce que plus tu désires,
Ton espérance même a pour toi des martyres,
Et bref tu vois Bien, mais tu suis le rebours.
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Un bien qu’on désire tant,
Il ennuie à qui l’attend.

Hâte donc pour moi la suite
De tes journaliers plaisirs,
Mais prends pour voler plus vite
Les ailes de mes désirs :

Un bien qu’on désire tant,
Il ennuie à qui l’attend.
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Stances de la Cène

Mon âme, éveille-toi de ta couche mortelle,
Ce jourd’hui ton Sauveur à son banquet t’appelle,
Où lui-même doit être ton vin et ton pain,
Ce père nourricier sera ta nourriture,
Prends son sang pour breuvage, et sa chair pour pâture,
Tu n’auras jamais soif, tu n’auras jamais faim.
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Mais si faut-il mourir, et la vie orgueilleuse,
Qui brave de la mort, sentira ses fureurs,
Les Soleils hâleront ces journalières fleurs,
Et le temps crèvera cette ampoule venteuse.

Ce beau flambeau qui lance une flamme fumeuse,
Sur le vert de la cire éteindra ses ardeurs,
L’huile de ce Tableau ternira ses couleurs,
Et les flots se rompront à la rive écumeuse.

J’ai vu ces clairs éclairs passer devant mes yeux,
Et le tonnerre encor qui gronde dans les Cieux,
Où d’une ou d’autre part éclatera l’orage,

J’ai vu fondre la neige et ses torrents tarir,
Ces lions rugissants je les ai vus sans rage,
Vivez, hommes, vivez, mais si faut-il mourir.

(2ème "Sonnet sur la mort" )
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