Nina était à mes yeux d’enfant la plus gentille et la plus douce de mes sœurs. Elle avait de longs cheveux bruns avec de fines et délicates boucles en terminaison. On aurait dit Blanche-Neige. À la différence, qu’elle avait pour nains, des petits frères et sœurs. Et qu’en un quart de seconde - la vache c’est rapide ! - son sang pouvait lui monter à la tête. Elle se transformait alors en fée Carabosse et nous expulsait dehors, à grands coups de balai, quel que soit le temps. « Fuori, scappate via ».
Extrait:
(...) Elle était romantique ma soeur Toinette. À sa manière bien sûr. Disons que des fois il y avait des garçons qui pouvaient l’approcher sans se prendre une avoine. Parmi les prétendants il y avait Marcel. Un rescapé des beignes et des mandales que ma frangine distribuait généreusement. Bref ! L’élu. Le mec avait dû sacrément s’accrocher au cordage et baisser la grande voile pour ne pas prendre l’ouragan « Toinette » en pleine tronche.
Moi je préfère « poil de carotte » de Jules Renard, il a des choses à dire Renard sur ce petit garçon rouquin. Ce n’est pas toujours marrant, mais on sent le vécu. Qu’on arrête de balancer des sornettes, les mioches on n’est pas cons. Puis il y avait les histoires de Marcel Pagnol et d’Alphonse Daudet que l’on écoutait sur le magnétophone à cassettes de Madame Gondolfo. J’adorais cette institutrice. Elle aimait son métier et avait tout compris des enfants. Jamais elle ne nous parlait comme si nous étions des débiles.
Là, au-dessus de moi, je voyais huit têtes penchées sur moi et un homme avec une grosse voix qui tentait de me parler dans une langue bizarre. Un mélange de français et d’autre chose. Étrange et rigolo ! Alors je souriais. Et plus je souriais, plus il parlait cette étrange langue dont je ne comprenais pas un traitre mot. Les autres, eux, me regardaient bouche bée. Mais, c’est qui ces gens et qu’est-ce qu’ils ont à me regarder comme un nouveau-né ? Voilà qu’ils me parlent à tour de rôle.
C’est purement magnifique tous ces personnages hauts en couleur. Puis chaque personne apportait un petit truc, ce n’est pas le fait de demander un service qui exige de donner quelque chose en échange. Ce sont les règles de l’hospitalité et du savoir-vivre tout simplement. Quand on vient dans ta maison on t’apporte un petit présent, pas grand-chose même. Et toi, tu l’accueilles, tu le reçois. Souvent c’était de petits trucs à grignoter.
C’est très simple, même pour un enfant et c’est ludique. Nos parties pouvaient durer des heures, jusqu’à l’abandon des derniers joueurs qui veillaient tard la nuit. Si l’un de nous n’avait plus de quoi jouer, alors on lui redonnait des sous pour qu’il puisse continuer. Ce n’est pas l’argent qui était important de gagner, c’était que chacun joue le plus longtemps possible.
On ne peut pas dire que c’était franchement la boisson qui ravissait le plus nos parents, mais bon ! On manquait de lovés.