La nuit suivante, j'ai rêvé d'Addie en robe blanche qui courait sur les toits. Des têtes ensanglantées avaient été plantées comme des cactus dans le conduit des cheminées. Angel Urbek chantait sur sa terrasse sans se douter de rien. Addie hurlait ou du moins sa bouche était figée dans le cri.Elle s'emparait d'une tête sans cou et elle la brandissait au-dessus des toits. Judith noire en voiles blancs, elle gémissait sans bruit, la bouche tordue par le désespoir, au-dessus de la ville indifférente,à des milliers de kilomètres de son village et des siens. (page 20)
Des gens se sont mis à scander"le mur doit tomber", des milliers d'autres ont repris "le mur doit tomber" et la clameur immense sous les tilleuls de la promenade s'est élevée dans la nuit, bien plus haut que la muraille de béton et de fer, la clameur a couvert le concert soudain dérisoire, "le mur doit tomber". La réponse a juste un peu tardé pour qu'on puisse espérer, un moment seulement. À minuit une cataracte d'eau est venue balayer les trottoirs et l'avenue, les gens se sont mis à courir vers Alexander platz. Certains tombaient et l'eau les faisaient glisser contre les réverbères, contre les portes fermées, contre ceux qui couraient devant eux et qui chutaient à leur tour en hurlant de terreur. Des coups, des cris, des arrestations. Fin du concert à Berlin-Est. (page 113)
Dans le temps divisé nous cheminons espérant
Que les frontières s'ouvrent
Que l'espoir s'immisce un peu
Que des mains se tendent
Par delà les ténèbres
Par delà le silence des cieux
Les mots embrasent la nuit
Et pansent les rêves