Jesse Glenn Gray

En ce début de XXième siècle,marqué notamment par le conflit en Afghanistan, les guerres en Irak, les révolutions arabes, la crise syrienne,etc... on peut se demander quel est le réel intérêt de se replonger dans la seconde guerre mondiale, sinon pour des aspects strictement historiques.

Il se trouve que l'auteur de ce livre J.G. Gray, mort en 1977 fût un professeur de philosophie à Columbia, spécialiste de Heidegger qu'il traduisit du reste. Il publia ce livre en 1959 aux Etats Unis, sur la base notamment de ses carnets de guerre, rédigés pendant toute la période où il fût officier de renseignement pour les américains, depuis le débarquement en Italie, jusqu'à la campagne d'Alsace, l'entrée en Allemagne, la fin de la guerre.

Passé quasi inaperçu lors de sa première édition, ce livre a été réédité en 1966, cette fois avec une préface d'Hannah Arendt, excusez du peu, soulignant les qualités majeures de ce livre.

Nous voici donc embarqués avec l'auteur en pleine seconde guerre mondiale. Ce dernier, parvient, notamment grâce à sa fabuleuse intelligence analytique et sa culture philosophique, à produire une analyse vraiment magistrale, très souvent pluridisciplinaire, des évènements liés à la guerre. Il présente comment l'Homme en tant qu' " Etre " peut se positionner dans cet univers guerrier déplaçant tous les repères du temps normal. La vraie richesse de ce livre est là. Gray nous présente tout cela non pas sur un ton professoral ou selon une écriture universitaire et alambiquée. Bien au contraire, il écrit presque comme un romancier, Hannah Arendt qualifie son écriture de poétique, et il est vrai que l'auteur ne cherche jamais à dramatiser. Il décrit les choses, les sentiments, les faits de façon simple, cette simplicité qu'il explicite du reste, comme étant la qualité de celles et ceux qui parviennent à se débarrasser du superflu pour demeurer à l'essentiel.

Son approche philosophique lui permet de dégager néanmoins plusieurs grands thèmes passionnants et toujours d'une cruelle actualtité :

- se souvenir de la guerre et oublier,

- l'attrait persistant du combat

- l'amour ;: allié et adversaire de la guerre,

- le soldat et la mort

- les figures de l'ennemi

- le tourment de la culpabilité

- l'avenir de la guerre.

Ses analyses sont lumineuses, et il me semble, qu'à bien des égards, la littérature spécialisée ou philosophique ne comprend pas d'ouvrage comparable. Les thèmes qu'il approche sont universels, et son analyse, sur la base de ce qu'il a vécu dans sa chair, mais aussi de sa culture très large, s'étend à toutes les formes de guerre, depuis celles de l'antiquité à celles du futur qu'il envisage avec une clairvoyante stupéfiante dans la dernière partie de son livre.

Je suis convaincu qu'il faut absolument conseiller ce livre à toutes les personnes qui revendiquent quelque expertise sur la place de l'homme dans la guerre, ou sur les conflictualités contemporaines. Ce livre passionnera les philosophes bien sûr, mais aussi les psychiatres et médecins qui traitent les victimes de guerre, et les fameux états de stress post traumatique des vétérans, les sociologues, les historiens de la seconde guerre mondiale, les militaires bien sûr, mais aussi toutes celles et ceux qui s'interrogent sur leur histoire familiale et les évènements qui l'ont perturbée notamment durant les deux derniers conflits mondiaux en Europe. Un grand nombre de clés de compréhension et de pistes de réflexion sont dans cet ouvrage que je ne peux que recommander très chaudement tant il "éveille" le lecteur.

D'une lucidité glaçante, ce livre sur la guerre est aussi un grand livre de métaphysique.
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Jesse Glenn Gray y commente ses notes pri­ses pendant les combats et les analyse avec le regard du philosophe, donnant à tel ou tel détail une profondeur et un sens qui lui avaient sans doute échappé sur l'instant [...]. Un livre magnifique, qui analyse ce que devient l'homme dans toutes les guerres.
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