Priam se sentit dévasté. Son monde merveilleux était devenu en un instant aussi inhospitalier que la ligne 21 du métro aux heures de pointe. Erine s'adressa à son compagnon volant, reprit la tête et glissa à travers les feuilles. Ils partirent tous vers l'extrême opposé du dôme. Priam regarda une dernière fois ce milieu forestier avant de devoir retourner dans la banalité de son petit appartement, le cœur lourd. Ils survolèrent le saule pleureur et le jeune homme eut la joie de constater que le cratère s'était quelque peu rempli depuis leur passage. Bientôt, la chevelure de l'arbre tremperait de nouveau ses pointes dans ce réservoir aqueux.
Imitant Erine, Moustache rabattit ses ailes immaculées et piqua dans les fourrés. Son corps ondulait comme si son ossature était inexistante. L’atterrissage se fit en douceur, avec l'habileté et la distinction d'un félin.
Devant l'image déplaisante s'imposant à lui, le jeune trentenaire fit face à un constat navrant : il était tout à fait possible de décrire la société actuelle en dépeignant l'intérieur d'une rame. Seulement des nuances de gris pour tout horizon, entrecoupées de cadres diaprés éructant des publicités souvent criardes. Des individus proches dans l'espace, mais à des années-lumière d'une relation cordiale. Le bruit des machines couvrant la placidité d'une voix ou encore l'atmosphère âpre et irrespirable chargée de l'odeur nauséabonde des rebuts de la métropole.