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Critiques de John Michael Montias (3)
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L'Abécédaire de Vermeer

Pour ceux qui ne connaîtraient pas les ABCdaires de Flammarion, il est besoin de savoir que, en dehors du classement d'entrées par ordre alphabétique (ici, par exemple "Pays-Bas", "Genre", "Astronome"), il existe aussi trois grandes thématiques, reconnaissables par un code couleur, et que chacune des entrées est rattachée à l'une des trois thématiques ("Pays-Bas" est donc rattachée à la thématique du contexte, "Genre" à celle de l'entourage, "Astronome" à celle des œuvres). Comme je suis un peu psychorigide, je ne lis jamais au hasard les entrées des ABCdaires Flammarion, mais dans un ordre assez précis, en suivant les thématiques, parce que ça me semble beaucoup plus logique (c'est mon côté vulcain, comme chez Spoke) : donc, pour un artiste, je lis les entrées du contexte le plus large à l'analyse la plus fine d'une œuvre. En gros.



Problème pour L'ABCdaire de Vermeer : je trouve qu'il manque beaucoup de lisibilité. Ainsi, dans la thématique du contexte, on trouve à la fois les courants esthétiques, les pratiques picturales et le cadre historique, ce qui amène à placer dans cette même thématique des entrées telles que "Pays-Bas" (j'y tiens décidément), qui relève du contexte historique, et "Lumière", qui relève de l'analyse de l’œuvre de Vermeer. C'est très curieux, et ça ne permet pas aux esprits de type vulcain d'avoir une vue logique de l'ensemble. D'autant que dans la thématique des œuvres, on retrouve deux sous-thèmes : les sujets du peintre et l'analyse du style. Pour moi, il y a là quelque chose d'aberrant : "Lumière" devrait se retrouver dans la thématique des œuvres. Oui, mais si c'était le cas, il n'y aurait plus grand-chose dans la thématique du contexte, car le cadre historique est un sous-thème très peu traité... Seule la thématique de l'entourage (pas forcément bien nommée, mais bon), avec les sous-thèmes des peintres, des érudits et de la famille, se tient.



Le fait que le cadre historique soit très peu évoqué est pour moi un gros problème. Avant de s'attaquer à la peinture hollandaise et à Vermeer, l'histoire des Pays-Bas mérite d'être évoquée plus qu'en passant, vu que je doute qu'un lectorat français n'ayant pas suivi des études d'histoire, ou d'histoire de l'art (et encore), soit bien au courant de la guerre entre l'Espagne et les anciens Pays-Bas bourguignons, qui donna naissance aux Provinces-Unies, ou à la République des Pays-Bas, ou aux Pays-Bas tout court... C'est bien simple, je ne sais même pas quel nom il faut donner à cette jeune nation née au XVIème (ou au XVIIème, si on s'en tient au traité de Münster). Évidemment il n'est pas impossible de saisir l'intérêt de la peinture de Vermeer sans en passer par là, mais d'une part, ça a son utilité (notamment lorsqu’on constate que les tableaux de Vermeer et des autres peintres hollandais présentent bien souvent des cartes des Pays-Bas dans les scènes d'intérieur), et d'autre part, parce que les ABCdaires prétendent traiter du cadre historique de leur sujet. Or, ici, c'est traité plus que vite fait. Idéalement, il aurait fallu reproduire au moins une carte des Pays-Bas au temps de Vermeer, voire une autre de la Hollande, que le lecteur sache déjà où se situe Delft, la ville de Vermeer. Donc, on ne comprend quasiment rien au cadre historique, qui est survolé. Je me demande d'ailleurs combien de lecteurs savent ce qu'est un stathouder (ce qui n'est pas expliqué)...



Je le disais, en revanche la thématique de l'entourage est bien traitée. On se frotte aux nombreux peintres qui ont été contemporains de Vermeer, dont il a plus ou moins subi l'influence, pour certains d'entre eux, et selon les périodes de sa vie. Ce qui n'est pas du luxe, parce qu'ils furent nombreux, les bougres, et qu'ils apportèrent des manières et des concepts différents selon leurs personnalités ou leur appartenance à un mouvement, ou encore à cause de leur spécialisation dans un genre précis ; c'est développé ici, bien que pas tout à fait suffisamment à mon goût, mais il est important de savoir qu'il y eut en Hollande, au XVIIème, des peintres de vaches, comme de fleurs, de ports, de tavernes, etc. Et il me semble que cette spécialisation, qui peut sembler excessive, est un cas exceptionnel das l'histoire de la peinture. D'ailleurs, un des auteurs de cet ABCdaire n'hésite pas à pointer de doigt l'aspect commercial d'une telle pratique, et l'édification en système de certaines manières, certaines thématiques (on sait que tous les musées du monde sont largement dotés de natures mortes des Pays-Bas du XVIIème), et l’appauvrissement de la qualité de la pratique picturale à force de reprendre les mêmes procédés. Ceci en relation avec le marché de l'art, la bourgeoisie et la religion dominante, qui amenèrent les peintres à abandonner la peinture d'histoire : tout ça est très bien expliqué.



On peut par conséquent être un rien frustré par l'analyse rapide et pas toujours très fouillée de certains de tableaux de Vermeer. Autant La Dentellière me semble plutôt bien décortiquée, autant d'autres œuvres mériteraient davantage d'attention. Et il est étonnant de se rendre compte que, finalement, c'est dans les entrées rattachées au contexte que la peinture de Vermeer est la plus finement analysée : composition, lumière, couleur, symbolisme des toiles. Lorsqu'il est question d'une œuvre en particulier, on comprend beaucoup moins l'aspect novateur de la peinture de Vermeer, voire pas du tout. Comme j'ai terminé ma lecture (vulcaine) par les entrées rattachées à la thématique des œuvres, j’avais quasiment le sentiment que Vermeer faisait partie, tout comme beaucoup d’autres, de ces peintres qui ne se souciaient que de plaire à leurs acheteurs en peignant des scènes moralisantes. Or, il est bien plus que cela, comme c'est démontré dans d'autres entrées.



En conclusion, je trouve cet ABCdaire plutôt mal fichu, peu cohérent dans son ensemble, avec nombre de "fausses" entrées qui renvoient à d'autres entrées (comme c'est pénible de tomber sur "Reflets vermeeriens" et de se voir renvoyer automatiquement à "Lumière" ! Et ça arrive constamment pendant la lecture...), même si le contenu n'est pas inintéressant. Et l'image qu'on nous y donne de Vermeer est loin d'être évidente à cerner. Je me suis d’ailleurs aperçue, en comparant cet ABCdaire (qui date de 1996) à d'autres, que les ABCdaires Flammarion qui ont été publiés avant 2000 comportaient souvent le même manque de cohérence, alors que ceux d'après 2000 ont été organisés différemment. Ce qui n'est pas plus mal.
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Vermeer

La fortune bibliographique de Vermeer est immense. Sans même compter Proust, qui immortalisa le fameux « petit pan de mur jaune » de la Vue de Delft, on peut à peine recenser les principaux chantres du peintre : le critique Théophile Thoré-Bürger, défenseur de Courbet et pionnier des études « ver meeriennes » ; l’écrivain symboliste Jean-Louis Vaudoyer, qui donna une série d’articles retentissants sur le « mystérieux Vermeer », en 1921 ; plus proches de nous, Svetlana Alpers, Tzvetan Todorov, Albert Blankert ou Daniel Arasse, qui donnèrent à leur tour de magistrales analyses de son art... Pourtant il est un auteur qui a une place à part dans ce prestigieux panthéon : John Michael Montias. Professeur d’économie à l’université de Yale, que rien ne prédisposait à devenir historien de l’art, Montias s’intéressa en 1975 aux guildes artistiques hollandaises du XVIIe siècle. Cette recherche économique et sociale, qu’il mena d’abord dans les archives de Delft, inaugura l’usage raisonné des méthodes quantitatives appliquées à l’art. Elle fut une des premières investigations scientifiques centrées sur l’émergence d’un marché de la peinture pendant les années 1650. Mais surtout, elle permit de brosser le portrait véritable de l’homme Vermeer, que Montias traqua durant des années dans les archives. On croyait avoir perdu nombre de ses toiles ; Montias démontra qu’il était mort prématurément, rongé par les tracas et les dettes, sans avoir peint plus de deux à trois tableaux par an. On pensait au XIXe siècle que l’artiste de Delft avait été extrêmement célèbre, puis qu’il avait été oublié. Montias révéla un peintre discret, dont la moitié de l’œuvre appartenait à un seul homme, collectionneur ou commanditaire privilégié de ses peintures. Il remit au jour toute sa parentèle, même la plus éloignée. Artisans besogneux y côtoient des chevaliers d’industrie peu scrupuleux ; les piliers de taverne ont maille à partir avec des soldats aventureux. Dépendant de sa belle-mère, dont la fortune lui apporta l’indépendance financière, Vermeer dut se convertir au catholicisme pour épouser sa femme Catharina et vécut à Delft dans le « Coin des papistes ». Une telle société influença-t-elle son art ? La méthode même de Montias est une réponse en soi : la reconstitution du monde dans lequel vécut Vermeer se resserre progressivement autour de lui et le révèle comme par opposition dans la société très bigarrée du Siècle d’or hollandais.



Montias publia ses premières conclusions en 1986 en collaboration avec A. Blankert, qui établit un solide catalogue de tout l’œuvre de Vermeer. Ce livre marqua une césure dans la connaissance du peintre, à tel point qu’il fut réédité en 2004, réimprimé en 2013 et aujourd’hui de nouveau en librairie à l’occasion de l’exposition Vermeer et les maîtres de la peinture de genre au musée du Louvre. C’est devenu un « classique », épaulé et développé par le catalogue raisonné d’A. Blankert, dont l’illustration exhaustive est magnifiée par le grand format du volume. C’est peut-être le premier livre à lire si l’on veut entrer comme par effraction dans le monde Vermeer, avant de mieux pénétrer dans l’univers de ses toiles.



Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 533, avril 2017
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Vermeer

Cet ouvrage remarquable, publié en 1986 (j'en possède une édition originale) a été réédité pour la dernière fois fin 2013 : il serait vraiment dommage de ne pas en profiter.



Vermeer est en effet, quelle que soit la sensibilité que l'on ait de l'art pictural, un des maîtres incontestables et incontestés de la peinture, et cet ouvrage est à ma connaissance, sans conteste le travail le plus complet, mais surtout le plus homogène consacré à l'artiste.



Lire la suite de ma critique sur le site Le Tourne Page
Lien : http://www.letournepage.com/..
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