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Citation de Lencreuse


J'ai pensé que ma mère ne reviendrait pas lorsque j'ai trouvé la petite broche en perles de verre montée sur une épingle dorée. C'était mon cadeau à sa dernière fête des mères.

Je n'ai jamais cessé d'être cette petite broche abandonnée.

Si ma mère m'avait quittée à l'heure, à la seconde même de ma naissance, sans me regarder, si elle n'avait pas voulu de moi alors que je n'étais encore rien, rien qu'une petite chose chiffonnée aux yeux fermés, alors qu'elle ne connaissait pas ma voix, mes manières de faire, ma façon d'avoir faim, comment je me mets quand je dors, si elle ne m'avait jamais entendue rire ni pleurer, si elle ne m'avait jamais tenue contre elle, si elle n'avait jamais commencé tout cela, vivre sans mère aurait été tolérable.

Mais elle avait commencé à manger et puis, soudain, elle n'avait plus eu faim.

Une petite broche abandonnée.

Elle était partie sans m'emporter avec elle. Elle avait décidé qu'elle pouvait vivre sans moi. Elle avait préféré son sac à main. D'un seul coup, elle m'enlevait à moi-même, elle me faisait disparaître.

Ma mère m'a tuée à six ans et j'ai vite compris que pour survivre au moins un peu, ne serait-ce que par transparence, il fallait que je la tue à mon tour.

Je l'ai ensevelie dans l'oubli profond. Parce que tout autour de moi, les gens, les rues, le monde qui m'entourait, tout portait sa trace, j'ai dû me tenir à distance et créer un autre monde où ma mère n'avait jamais été. Je me suis chassée du monde. Mais qui ai-je sauvé? Qu'est-ce qui a pu demeurer de moi? Quelle est cette personne qui a survécu au cataclysme?
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