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Citation de The_Noir


C’était une langue étrangère, quelques mots brefs. C’est après seulement que j’ai compris qu’il avait parlé en latin: il avait dit deux fois le mot nihil, j’en étais certain.
Il avait parlé très vite, d’une voix très faible : à part ce « rien » ou ce « néant » répété, je n’avais pu saisir le sens de ses dernières paroles.
Aussitôt après, en effet, son corps s’était raidi définitivement.

Le mystère des derniers mots de François L. s’était perpétué. Ni dans Horace ni dans Virgile, dont je savais qu’il se récitait des poèmes, comme je me récitais moi-même Baudelaire ou Rimbaud, je n’avais jamais retrouvé un vers où le mot nihil, rien, néant, se répétât.
...
Un jour, après avoir mis au point ma version de la scène cruciale entre Pyrrhus, fils d’Achille, et Agamemnon, je m’attaquai a‘ un long passage du chœur des Troyennes. Traduisant le texte latin que j’avais sous les yeux, je venais d’écrire en espagnol: «Tras la muerte no hay nada y la muerte no es nada...»
Soudain, sans doute parce que la répétition du mot nada avait confusément réveillé un souvenir enfoui, non identifié, mais chargé d’angoisse, je revins au texte latin: «Post mortem nihil est ipsaque mors nihil...»
Ainsi, plus d’un demi-siècle après la mort de François L., à Buchenwald, le hasard d’un travail littéraire me faisait retrouver ses derniers mots: « Il n’y a rien après la mort, la mort elle-même n’est rien.» Je n’eus aucun doute : c’étaient bien les derniers mots de Francois !
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