AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de jmlire92


L'enfant courait insouciant, un véritable enfant, au cœur de notre sinistre tristesse. Nous étions en effet assis dans la salle d'attente de la préfecture de police. Nous attendions l'autorisation de rester à Paris ou bien d'aller au diable. Nous attendions dans la salle d'attente. Où donc un homme attendrait-il sinon ?  Il attend dans une salle d'attente.

   Dans une salle d'attente, messieurs dames, il n'y a pas de fauteuils rembourrés. On est assis sur des bancs qui n'ont pas de dossier. On est assis comme il convient aux sans-patrie, le dos courbé, les coudes sur les genoux et, si l'on veut, le front dans ses mains jointes.

   Dans la salle d'attente de la préfecture de police les gens vont et viennent, font les cent pas, environ une vingtaine de personnes, mettons ; des hommes pour la plupart. Ils vont et viennent, font les cent pas. Dieu les a manifestement punis. Pas assez qu'ils aient dû parcourir tant de kilomètres pour parvenir ici, dans cette salle d'attente de la préfecture de police, il leur faut encore ici à l'intérieur faire les cent pas, marcher de long en large. C'est comme s'ils ne pouvaient s'arrêter dans leur marche et dans leur fuite. Même dans la salle d'attente de la police, ils fuient et marchent encore.

   Leurs costumes sont encore bons mais leurs visages sont pour ainsi dire élimés. ( Jamais un costume ne peut être aussi élimé qu'un visage. ) Ils croyaient, les pauvres, pouvoir faire croire au monde environnant qu'on est encore digne de lui car, bien que réfugié chez lui, on se donne néanmoins la peine d'avoir la même apparence que lui, ce monde environnant qui, même en rêve, ne pense nullement à fuir !

   En effet, il va encore très bien, ce bon monde environnant !



   Donc, au milieu des réfugiés, qui ne peuvent se permettre aucun repos, un enfant courait en tout sens dans la salle d'attente de la préfecture de police, un enfant aux boucles blondes, un enfant tout mignon, dis-je, car toute périphrase serait un mensonge littéraire. ( Il ne faut pas avoir peur de nommer mignon ce qui est mignon. ) L'enfant blond dans la salle d'attente de la préfecture était mignon. Il avait cette sorte d'yeux bleus que l'on a coutume d'attribuer aux anges. Il avait, plus encore, l'indescriptible éclat paisible de cette innocence qui est la vraie connaissance ; la seule que, sur cette terre, nous devrions chérir dès que nous l'avons reconnue. C'était un enfant ! Un garçon de trois ans !



   Il me prit la canne des mains et en frappa, comme seuls les enfants et les anges savent frapper, le policier qui se tenait devant la porte, sur la tête. Il courut, l'enfant aux boucles blondes, entre les jambes affairées de tous les agents de police. Ce fut un merveilleux, un rapide petit brin de soleil, dans notre salle d'attente grise de la préfecture de police.

   J'aurais aimé être le père de cet enfant.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}