Si l’homme, lui aussi, peut douter de ses facultés à procréer, chez lui le problème est d’un autre ordre : il est moins intime. Sa contribution se résume à une simple éjaculation, c’est tout. Son humeur n’est pas soumise aux variations de ses hormones. Les douleurs menstruelles, les désagréments de la grossesse, la douleur de l’accouchement, tout cela lui est épargné. Il peut consacrer toute son énergie à d’autres occupations, sociales ou professionnelles, car il n’y a que la maladie qui lui rappelle qu’il est aussi un corps. La femme est l’homme sont égaux devant la maladie. En revanche, la femme souffre de ses règles cinq jours par mois, soixante jours par an, et cela pendant au moins trente ans. Ce qui fait mille huit cents jours au total, c’est-à-dire à peu près cinq ans ! Si elle a eu deux ou trois enfants, il faut compter deux bonnes années de plus. Durant sept ans en moyenne, la femme est soumise à son propre corps. « Mais c’est tellement gratifiant ! » vous affirmeront celles qui savent.
Certains ont subi les pires exactions et sont parvenus, malgré tout, à garder leur dignité. Comparés à eux, mes petits malheurs sont finalement bien insignifiants. J’ai beau savoir tout cela, le cœur n’écoute pas toujours la raison. Parfois, il l’emporte et la raison suit, péniblement. Parfois les deux perdent le nord et se mettent à tourner en rond dans la plus grande confusion ! Comme le linge dans une machine à laver. Mon pauvre moi est meurtri, blessé, recroquevillé. Comment m’en sortir ? Je voudrais flotter au vent, respirer l’air pur, m’enivrer des vastes horizons.
Je n’ai jamais subi d’opération. « Ce n’est pas une opération, ce n’est qu’une petite intervention », me rassure l’infirmière. Je dois mettre une culotte jetable, la chemise de nuit rêche de l’hôpital et un bonnet de douche tout à fait ridicule. « Pour des questions d’hygiène », explique l’infirmière. Je dois également enlever ma bague, mon collier et ma montre. Dans la salle d’opération, je n’ai droit à aucun effet personnel. C’est un avant goût de l’anesthésie : on me fait déjà un peu disparaitre.