Les maîtres primitifs de Sienne et de Florence, les Duccio, les Gimabue, les Giotto même et leurs élèves, ont été en beaucoup de points, on le sait, les héritiers et les continuateurs des traditions de l'art byzantin. De même, les peintres italiens qui vécurent au temps de la seconde Renaissance durent à l'Orient quelques-uns des traits qui font l'originalité de leur talent, et non plus cette fois à l'Orient grec, mais bien à l'Orient musulman. Je n'entends point par là, est-il besoin de le dire, que l'Italie du XVe siècle ait été demander des leçons à un art turc au moins hypothétique; mais elle à, au contact de l'Islam, trouvé des inspirations et rencontré des modèles qui ont marqué plusieurs de ses ouvrages d'un caractère assez particulier. Elle y a pris spécialement le sentiment et le goût d'une couleur locale plus juste et plus vraie, et, par là, dans une série d'œuvres remarquables, elle s'est essayée, voilà bien des siècles, à un genre que nous croyons volontiers très moderne; elle a donné les premiers exemples, et pour la première fois fixé les traditions de la peinture orientaliste.
Non, Fragonard n'a pas connu notre province ; il l'ignorait,parce que, de son temps, tout ce qui n'était pas sur la route de Paris à Rome ne comptait guère. Tout au plus en avait-il entendu parler par un jeune architecte, au langage lourd, rencontré en Italie dans la compagnie du fermier général Bergeret, ou de l'abbé de Saint-Non. Ce jeune homme, Pierre Paris, originaire de la Comté, est élève de l'Académie de France : son mérite l'a fait exceptionnellement envoyer en Italie, où il sert un.peu de Mentor au jeune Trouard, fils d'un architecte du château de Versailles. Fragonard, qui a été, lui aussi, pensionnaire du roi à Rome en 1752, s'intéresse à ce garçon laborieux, à l'esprit séduisant, à la main habile, dessinateur et paysagiste au moins autant qu'architecte, et le fait adopter à Bergeret, son Mécène.