AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de jperceval


Nous achevons les soixante-douze années du règne de Louis XIV.
Pénible étude, mais vraiment instructive.
Ce n’est pas seulement le plus long règne de l’histoire, c’est le plus important, comme type et légende du gouvernement monarchique. L’Europe l’a accepté ainsi. Elle n’a point du tout accepté les glorieuses tyrannies militaires qui ont pu suivre. Elle n’y a vu qu’un accident sinistre. Mais Louis XIV est la règle, le roi des honnêtes gens.
Le bien, le mal, le pire, on a tout imité de lui. Il est le vrai et le complet miroir où tous les rois ont regardé. Ils ont copié servilement sa cour, son administration, ses fautes surtout. La France même de 1793 lui a voté les lois de la Terreur et le régime des suspects.
Donc, tout ce que l’on sait de lui a une portée fort générale, au delà de son temps, de son individualité. Il nous apprend au précédent volume comment la royauté politique et religieuse (celle de Louis XIV fut tout cela) n’atteint son idéal qu’en se faisant les plus cruelles blessures.
Cette sottise de la Révocation avait été parée des faux prétextes d’une grande sagesse politique. Nous devions obtenir par là une belle et puissante unité. On avait suivi à la lettre le précepte de Molière : « A votre place, je me crèverais cet œil ; vous y verriez bien mieux de l’autre.
» Pendant vingt-cinq ans, les évêques, d’assemblée en assemblée, ont demandé, peu à peu obtenu la mutilation de la France. Oh ! que la voilà belle, allégée de cinq cent mille hommes ! — Attendez, il manque une chose ! Plus clairvoyants que les évêques, les Jésuites, dans l’œil
qui lui reste, voient une paille, le jansénisme, tourmentent le malade pour l’arracher. Voilà qu’il agonise. Encore un peu, ils n’auront plus qu’un mort.
Ce qui saisit dans cette fin lamentable de 1715, c’est que non seulement toute la vieille machine (royauté, clergé et noblesse) s’enfonce et presque disparaît, mais l’ordre, même extérieur, l’administration, vraie gloire de ce règne, n’existe plus, à proprement parler. La bureaucratie est paralysée, la comptabilité périt. Le gouvernement effaré ne peut plus même se rendre compte de ses fautes.
Dans tout ceci éclate le contraste et la lutte de deux choses qu’on aime trop à confondre dans l’idée complexe de la centralisation royale : le
gouvernement personnel et l’administration. C’est justement le premier qui tue l’autre. Colbert, Louvois, malmenés par le roi et minés par
la ligue des courtisans et des dévots, meurent à la peine, et avec eux l’ordre même. Au gouvernement personnel, ils avaient prêté le beau masque et la couverture secourable d’une certaine régularité administrative qui faisait illusion. Ces commis-rois faisaient obstacle au roi, empêchaient ce gouvernement d’apparaître dans sa vérité. Quitte enfin d’eux, la royauté se révéla, fut elle-même. Libre, Louis XIV en donna le vrai type, la forme pure. Il put descendre en pleine majesté
ce superbe Niagara de la banqueroute, du plus profond chaos, de l’écrasant naufrage.
La France ne fut pas sauvée, comme on l’a dit, mais roulée et brisée. Elle enfonça, disparut. Et si elle revint, ce fut en tel état que, jusqu’à la Révolution, le monde entier jura qu’elle n’était jamais revenue.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}