Cet hôtel (…) est habité par la famille Jem Tankerdon, propriétaire d’inépuisables mines de pétrole dans l’Illinois, le plus riche peut-être, et, par conséquent, le plus honorable et le plus honoré de nos concitoyens…
— Des millions ?… demande Sébastien Zorn.
— Peuh ! fait Calistus Munbar. Le million, c’est pour nous le dollar courant, et ici on les compte par centaines ! Il n’y a en cette cité que des nababs richissimes. Ce qui explique comment, en quelques années, les marchands des quartiers du commerce font fortune, — j’entends les marchands au détail, car, de négociants ou de commerçants en gros, il ne s’en trouve pas un seul sur ce microcosme unique au monde…
— Et des industriels ?… demande Pinchinat.
— Absents, les industriels !
— Et les armateurs ?… demande Frascolin.
— Pas davantage.
— Des rentiers alors ?… réplique Sébastien Zorn.
— Rien que des rentiers et des marchands en train de se faire des rentes.
— Eh bien… et les ouvriers ?… observe Yvernès.
— Lorsqu’on a besoin d’ouvriers, on les amène du dehors, messieurs, et lorsque le travail est terminé ils s’en retournent… avec la forte somme !…
— Voyons, monsieur Munbar, dit Frascolin, vous avez bien quelques pauvres dans votre ville, ne fût-ce que pour ne pas en laisser éteindre la race ?…
— Des pauvres, monsieur le deuxième violon ?… Vous n’en rencontrerez pas un seul !
— Alors la mendicité est interdite ?…
— Il n’y a jamais eu lieu de l’interdire, puisque la ville n’est pas accessible aux mendiants.