La comparaison si admirée de Claudel à propos de l'arbre "forme de feu" ne me frappe pas comme particulièrement juste. C'est l'aspect de poumon ou de branchie qui saisit tout d'abord.
Dans ce monde que nous réendossons chaque matin comme une vieille veste usée, totalement immunisés contre la surprise, l'arbre est la seule forme qui de temps en temps, à certains brefs moments de stupeur où les yeux se décapent de l'accoutumance, m'apparaît comme parfaitement délirante. Cet après-midi par exemple, en regardant les arbres qui parsèment les prairies de l'Île Batailleuse pâturer dans le brouillard de pluie, soudain plus désorientants que des dinosaures.
[Julien GRACQ, "Lettrines", Librairie José Corti, 1967 - page 151]