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Citation de Charybde2


J’ai toujours beaucoup rêvé.
Cauchemardé, en fait, mais c’est si souvent que je les appelle des rêves.
Je me bats. En général contre des fauves ou des ours. A mains nues. Je ne suis pas en colère, je n’ai pas peur. C’est simplement exténuant. Je gagne à chaque fois, mais c’est exténuant. Chaque nuit.
Chaque matin j’ai le nez pris, du sang coagulé.
Parfois, je rêve que le monde est mort. Les gens sont enfin tous morts, ou bien atteints d’une maladie qui se transmet par contact. Une peste, une moisissure. Ils grouillent. Je leur échappe. Je n’ai toujours pas peur. Je grimpe, je me défends, je trouve des endroits stratégiques.
Le monde est beau, sans les humains. Les villes, grignotées par l’herbe, les forêts, rendues à elles-mêmes. Dans ces rêves, je n’ai aucun regret de l’humanité disparue. Je frappe les zombies avec des planches, des tubes d’acier. Ils ne comptent pas. Je veux juste être seule dans un monde qui ne fait plus de mal.
Quand je joue à Doom, à Dead Space, à Silent Hill, je suis bien. Plus les jeux sont censés faire peur, être angoissants, violents, nerveux, plus je m’y détends. L’angoisse et la méfiance sont mes états naturels.

Je joue, beaucoup. Des jeux de stratégie, jeux vidéo, jeux de figurines, de cartes. Je ne suis pas bonne en stratégie, il y a trop de monde, mais en tactique, je suis meilleure que les autres joueurs.
Alors ils refusent de jouer avec moi. Ce sont des garçons. Ils ne veulent pas être battus par une fille.
Quel que soit le jeu, l’armée, le personnage, je choisis, comme par hasard et d’après eux, toujours le plus facile. Alors j’en prends un autre, jeu, armée, personnage. Je les casse avec le nouveau jeu, armée, personnage. Ils me disent que c’est le second plus facile. Je prends leur personnage, leur armée, leur jeu, et je les bats. Ils se mettent tous contre moi, dès le premier tour, pour m’effacer de la partie. J’arrête de jouer.
Ma vie est une lutte. Je passe mes nuits en défenses, en batailles, en combats. Mes journées aussi, quand un de mes parents fait une crise. Mais je suis une fille, et pour ces garçons, une fille ne gagne pas. une fille ne les bat pas sur une table de jeu.
Un adolescent de vingt ans me dit un jour qu’il sait que je joue aux jeux vidéo. Qu’il va venir jouer contre moi pour voir si je me débrouille bien.
Quand il me dit ça, l’air presque triste de devoir me remettre à ma place, je joue depuis trente-deux ans.

Je pense savoir si je suis bonne dans ce que je fais. J’ai des photos de moi, incisives tombées, devant le Macintosh de mon père, dans sa chambre étrange.
Je sais si je suis apte à survivre. Je le sais, puisque je suis là. Pour eux ce sont des jeux, moi, c’est la famille.
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