Poésie - Nuit africaine - Kama Sywor KAMANDA
Nuit africaine
La nuit étend son voile bleuté
Sur la forêt équatoriale...
Partout, le silence sert d'écrin
Aux cris stridents des singes sacrés,
Et aux feulements graves des fauves
Étreignant la vie des gazelles...
Dans la savane, le murmure du vent
Charme le génie de la nuit.
Porteur des promesses d'une aube nouvelle
Aux herbes couvertes de rosée.
Bientôt luira la vie,
Et ses enfants couleur de nuit
Jailliront au bonheur D’être noirs...
(Extrait du livre « Le canari m’a dit » contes et poèmes d’Afrique)
Paix
[à Neslon Mandela]
Quel est donc ce cri de révolte
Qui annonce ma bravoure?
Les cendres de nos morts laissées aux vents,
Aux pluies, aux sables et aux boues
Témoignent de notre désarroi.
Sacrilèges et sacrifices, nous avons connu
La profanation d'ultimes séjours
Qui marquent l'effacement de nos mémoires.
Oeuvre poétique, p. 25
Le conte du petit chimpanzé
Il était une fois un petit chimpanzé qui rêvait d’imiter les Hommes.
Il s’aperçut notamment qu’ils avaient des fermes remplies de bétail et rêvait de faire comme eux.
Un jour, s’apercevant qu’une antilope dormait auprès de son arbre, il s’avança et lui passa une liane autour du cou. Mal lui en a pris : l’animal se réveilla, se mit à courir dans la savane, emportant le petit singe qui s’accrochait à la liane.
Rien ne sert de vouloir ressembler à plus fort que soi, semble nous dire Kama Kamanda, au risque de s’exposer à de terribles désillusions.
Courage, il faut apprendre à ne pas exiger des autres ce qu'on n'est pas capable de réaliser soi-même.
Des années durant la princesse et le génie de la forêt se promenèrent ensemble dans la nature et il naquit entre eux un véritable amour. Mais ils pleuraient si souvent d'être tellement différents qu'ils décidèrent d'aller trouver un guérisseur : -- Je ne puis vous délivrer de votre passion, dit le vieillard, mais je peux, en revanche, rapprocher vos deux natures. [...] Tu vas pleurer des larmes de sève, car je sculpterai dans ta chair d'ébène un corps d'athlète, une stature de grand guerrier. Mais au bout de la douleur sera la joie d'aimer.
« Le guerrier d'ébène », Contes africains
Sous les branches, le soleil avait labouré des clartés éphémères. La clameur des manguiers se mêlait aux cris des enfants. Les arbres à pain cernaient les maisons du village et se balançaient au vent.
p. 77
La transhumance des mots d'amour
L'espérance du bonheur plane et voltige,
Sur les champs du songe
[...]
C'est l'instant magique où l'amant,
Oubliant ses soucis,
Abandonne ses pensées à la vie
Et laisse son coeur s'envoler
Vers les insondables énigmes
Du désir amoureux.
Kama Sywor Kamanda, Oeuvre poétique, p. 24
Pour moi, la franchise d'une amitié se mesure par des gestes attentifs et fréquents. L'amitié est faite d'actes, d'attention et non de paroles trop souvent vaines!
p. 90
Maintenant, nous avons nos doutes pour pleurer.
Quand les identités et les années
Se perdent dans le sable,
Nos villes moroses
Se parfument de roses
Déposées sur les tombes.
Nos maisons hantées
Par de longues solitudes
S'ouvrent aux vagues de l'amour,
Aussi abondantes qu'une mer des adieux.
Les offrandes amères
Peuplent les sphères de nos ambitions.
Nous cherchons nos racines
Comme d’autres des vérités cachées.
Maisons hantées
L'astre au-dessus des nuits narcissiques
Qui marche sous l'herbe du temps des rêves
Précédé de tes ombres en rivages du destin
Tu brilles, curieux, au rythme de nos voluptés
Résolu à clarifier les origines
De la pudeur dorée de nos regards envieux.
L'abri que l'agonie prédestine aux émois
Est fleuve d'éclairs sur les lieux de nos solitudes.
Aux creux de l'âme