Citations de Kanokphong Songsomphan (15)
Il faut que je te dise une vérité, Priya : il n'y avait que papa qui était un vrai instituteur. Il avait fini le secondaire et postulé pour être enseignant. Par la suite, il a passé l'équivalent de l'examen de fin d’École Normale ; alors les autres instituteurs l'ont bombardé directeur . Mais maman n'a étudié que jusqu'en quatrième, et j'ai appris plus tard que, si elle est venue nous enseigner, c'est qu'on manquait d'instituteurs quand l'école s'est ouverte. N'importe qui pouvait être instituteur ; il suffisait de savoir lire et écrire couramment.
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On avait beau croire que le torrent n'avait pas changé, l'eau n'était plus la même. Il suffit de détourner la tête et puis de regarder de nouveau : l'eau n'est déjà plus la même. Priya, l'eau du torrent s'écoule en permanence, l'eau que l'on voit est aussitôt passée ; on n'est même pas capable de courir à sa suite et de la récupérer au creux de la main pour la faire s'écouler de nouveau.
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A l'époque, combien y avait-il de familles qui savaient ce que c'était que le dentifrice ? La plupart se brossaient encore les dents avec de la cendre. Les jours où l’instituteur annonçait une inspection des dents, lors de la mise en rang du lendemain matin, tout le long du chemin qu'on prenait pour aller à l'école on voyait de monceaux de feuilles râpeuses arrachées aux rotsoukone : c'étaient les gosses aux dents entartrées qui s'en servaient pour se les nettoyer.
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Priya... Rien ne dure, rien ne retourne à la source... Et plus je grandissais, plus j'en étais convaincu. Même si papa revenait, la maison ne serait plus la même, maman ne serait plus la même. De la même façon, Priya, les militaires étaient apparus pour un jour pour s'en aller ; les patriotes dans la montagne étaient apparus pour un jour disparaître ; mais rien ne serait plus comme avant ; le courant ne remonte jamais la pente.
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Papa, debout, soufflait dans son saxo. Maman assise adossée à la rambarde ne bougeait pas. Quand je me suis approché, elle a eu un sourire âpre tout en m'attirant vers elle pour que je m'assoie dans son giron. Elle m'a caressé la tête doucement.
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Priya... Nous n’avons pas moyen de savoir ce que nos actes d’aujourd’hui nous vaudront demain. Il suffit de se détourner pour que le présent soit déjà le passé, alors même que nous sommes projetés vers l’avenir. Priya, est-ce que tu peux comprendre ? Si nous faisons une erreur aujourd’hui, en un rien de temps nous nous retrouverons en train d’en souffrir le lendemain et incapables en plus de retenir ce qui fut hier.
On avait beau croire que le torrent n'avait pas changé, l'eau n'était plus la même.
[...]
Priya... Rien ne dure, rien ne retourne à la source... Et plus je grandissais, plus j'en étais convaincu.
[...] ; le courant jamais ne remonte la pente.
Priya... Nous n'avons pas moyen de savoir ce que nos actes d'aujourd'hui nous vaudront demain. Il suffit de se détourner pour que le présent soit déjà le passé, alors même que nous sommes projetés vers l'avenir.
Tu ne sais pas à quel point, lorsqu'on est loin, la nostalgie qu'on a chez soi peut être forte.
Le temps détruit toutes choses.
Tout change, Priya. Sauf que nous n'avons pas eu de chance, à voir toutes choses changer pour le pire.
Je savais à quel point le venin du passé fait souffrir. Les jours enfuis ne reviennent jamais, mais qu’ils renaissent sans cesse dans le souvenir suffisait à nous tourmenter.
S'il y a une autre chose qui n'a jamais changé, c'est bien la façon dont maman nous appelait. Tu le sais, n'est-ce pas, Priya ? Le temps détruit toutes choses. Il a vermoulu la maison ; il a taraudé le corps de maman ; il m'a même brisé le cœur. Mais la façon dont maman nous appelle reste la même, plus permanente que tout.
Priya... Tout cela à cause de moi ! Tout a grandi, fleuri et pris racine sur le fumier de mon amour. Le passé revient nous faire du mal. Le parasite du temps nous ronge et attend son heure. Tu ne peux pas savoir à quel point la culpabilité continue de me torturer.
Seule maman savait à quel point les jours enfuis reviennent pour vous tourmenter.
[...]
Je savais à quel point le venin du passé fait souffrir. Les jours enfuis ne reviennent jamais, mais qu'ils renaissent sans cesse dans le souvenir suffisait à nous tourmenter.
Priya, comme je te l'ai dit, parfois on n'a pas le temps de penser à ce que nous vaudra, demain, ce que l'on fait aujourd'hui. Et quand on s'en rend compte, ce que l'on a fait relève déjà du passé et des souvenirs. Et toi, Priya, toi et moi appartenons à un passé qui ne vaut pas d'être rappelé, mais dont il faut absolument qu'on se souvienne. Priya... Pourquoi est-ce que ma vie est pleine d'histoires comme ça ? Des histoires qui ne valent pas d'être rappelées, mais qu'il est impossible d'oublier. Les histoires du passé nous font souffrir dans le présent. Je sais... La souffrance qui provient de papa, de maman, de mon frère, à qui la faute ?
Ou peut-être n'est-ce la faute de personne ?