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Citation de Carosand


Les êtres qui rêvent pendant leur sommeil éprouvent une satisfaction particulière et profonde, inconnue du monde diurne, une forme d'extase assez passive, une légèreté du coeur semblable à celle procurée par du miel sur la langue. Le véritable ravissement du rêve réside dans le sentiment de liberté sans bornes qu'il apporte avec lui. Ce n'est point la liberté du tyran qui impose son bon vouloir au monde, mais celle de l'artiste libéré de la volonté. Ce n'est pas le sujet du rêve qui donne ce bonheur distinct, mais le fait que, dans le rêve, tout se passe sans le moindre effort, sans hâte ni rupture. De vastes panoramas se forment d'eux-mêmes, de larges perspectives s'ouvrent avec des nuances riches et fines, avec des voies et des maisons inconnues et insoupçonnées. Des étrangers vont et viennent, mais ne sont ni amis ni ennemis, et celui qui les rêve ne leur a jamais fait de mal, ni de bien. La fuite et la poursuite reviennent sans cesse dans les rêves, sources d'enchantement. Chacun y va de ses paroles, les plus profondes et les plus spirituelles. Il est vrai qu'au réveil elles nous paraissent fanées et dépourvues de sens, parce qu'elles appartiennent à une autre dimension. Cependant, la nuit suivante, dès que l'on s'endort, le courant est rétabli et leur excellence renouvelée. Ainsi, celui qui rêve sent la liberté qui l'entoure et l'habite comme une lumière et un air des sommets, un bonheur surnaturel. Le rêveur est l'élu, une personne comblée qui n'a pas à intervenir dans ce qui arrive, tout lui apporte richesse et plaisir. Il prend part à une grande bataille, une battue ou un bal, et, au milieu de cela, se demande pourquoi il reçoit tant de faveurs en restant toujours allongé. Quand vous commencez à perdre ce sentiment de liberté, quand la nécessité fait irruption dans le monde du rêve - quand pointe une exigence de hâte et d'effort, que ce soit une lettre à écrire ou un train à prendre, quand il faut se donner de la peine pour faire galoper les destriers du rêve ou éviter qu'ils ne fassent long feu - alors vos rêves sont sur le point de s'achever et de se muer en cauchemar, une forme de rêve vulgaire et mauvaise.
Ce qui, dans le monde éveillé, ressemble le plus aux rêves, ce sont les nuits dans une métropole où nul ne vous connaît, et les nuits africaines. Là aussi, on retrouve cette liberté infinie. Il se passe toujours quelque chose d'important non loin, des destins se tracent, des tumultes nous environnent, sans que cela vienne à nous toucher.
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