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Citation de Osmanthe


Je ne la quittai pas des yeux. Je voulais la forcer à me regarder à travers ses cheveux qui lui tombaient sur le visage. Je réglai soigneusement ma respiration avec le mouvement du tendon, situé au creux de son genou, qui se balançait coquettement d'avant en arrière sous sa jupe trop courte. En même temps, je tendais l'oreille en direction du mur, le souffle coupé par l'attente, persuadé que l'homme derrière, en proie à une folle jalousie, lancerait une casserole d'eau bouillante. En vain : pas de bruit de vaisselle cassée, ni même un seul claquement de langue. De la petite fenêtre, les mêmes mains blanches allaient et venaient discrètement. Les tasses sur le plateau ne frémissaient même pas. C'était plutôt moi qui tremblais. Pour me calmer, j'avais posé mes pouces sur le bord de la table ; mes poignets, agités d'un tremblement incessant, évoquaient ceux d'un batteur atténuant le bruit de façon qu'une note chargée d'émotion persiste. Devais-je croire à tout cela ? La force explosive est proportionnelle à la force de compression. Alors, dans ce cas, allais-je faire tout mon possible pour séduire la femme ? Une fois sorti de ce lieu, mon monde s'arrêterait de toute façon avant le tournant. Pour le moment, le seul endroit où je pouvais m'asseoir et me détendre était celui-ci. Le lien entre ce café et moi prit plus d'importance que celui entre une simple tasse de café et un habitué. Le sens caché de l'épreuve qui m'était imposée m'apparut primordial : je devais la séduire. Maintenant, c'était à elle de comprendre mon regard insistant et de se réveiller pour jouer son rôle. Je lissai mes cheveux hirsutes au-dessus de mes oreilles en me regardant dans la fenêtre, levai le menton et arrangeai le noeud de ma cravate. Je ne l'avais pas payée très cher mais les motifs étaient du dernier cri. De toute évidence, je ne prétendais pas posséder les qualités d'un don juan, cependant j'avais tous les atouts. Voilà une femme qui ne connaissait rien d'autre que l'amour, et j'allais l'enlever à un homme qui ne connaissait rien d'autre que la jalousie ; c'était aussi simple qu'une formule chimique. Tant que j'étais le séducteur, cela me convenait. Bientôt, elle allait avoir la réaction qu'il fallait. Je la paierais au moment voulu, lui demanderais de fermer plus tôt et de m'héberger pour la nuit. Elle réagirait de plus en plus rapidement pour qu'en fin de compte l'effet désiré soit atteint. L'homme éclaterait, fracasserait le mur, prouvant de cette façon l'infaillibilité de la formule chimique. Et, libéré de mon rôle, non sans difficulté, je retrouverais en échange le monde de l'au-delà du tournant.

Extrait de "Au-delà du tournant"
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