Rendez-vous secret
Marque-page 23-06-2011
Au fond, vois-tu, c'est l'aveugle et imaginative innocence des femmes qui fait de l'homme leur pire ennemi...!
page 236
[...] Oh non, de quelque façon que l'on s'y prenne, ce n'est pas la force de l'intelligence qui fait tourner la vie humaine... Cette existence-ci, cette existence-là, l'évidence, c'est qu'il y a beaucoup de manières d'exister... et qu'il arrive parfois que l'autre versant, celui qui fait face au côté où l'on se trouve, vous apparaisse un tant soit peu plus désirable... A vivre ma vie comme je la vis, de me demander ce qu'il en adviendra est bien pour moi, en vérité, la chose du monde la plus insupportable ! Et quant à savoir ce qu'est au juste la nature de mon existence, ça, c'est une impossibilité de condition : aucun moyen d'en rien saisir... Mais quand même, si, sur ce chemin-là, il se trouve quelque côté plus clair où l'esprit aperçoive de quoi le distraire, si peu que ce puisse être... eh bien, j'ai beau ne pas savoir pourquoi, je finis par me persuader que c'est encore là la meilleure direction... [...]
Non, à la vérité, que le temps coure à la vitesse d'un cheval au galop, ça, on ne peut le dire. Ni davantage qu'il se traîne avec plus de lenteur encore qu'une charrette à bras. Le temps va son rythme à lui.
La souffrance de l'emprisonnement réside dans le fait que l'on ne peut, à aucun moment, s'évader de soi même.
La femme dormait parfaitement nue.
Dans son champ visuel tout embrumé de pleurs, la femme apparaissait comme une ombre flottante. Elle dormait à même la natte, couchée sur le dos, et, à l’exception du seul visage, le corps entier tout découvert. Le bas-ventre était ferme, tendu, avec, de chaque côté, un pli étranglé ; et la main gauche, si légèrement, y reposait. […] Sur l’entière surface du corps, une couche de sable à fine texture posait, on eût dit, une tunique aussi fine et souple qu’une membrane. Noyant les détails, le sable détachait, en les forçant et en les magnifiant, les courbes où se révèle et s’offre l’éternité de la femme. A s’y méprendre, sous son placage de sable, la Femme des sables était, au regard, devenue Statue.
Son visage s’était raidi, comme enduit d’empois ; son souffle, on eût dit, était un vent de vingt mètres à la seconde ; sa salive avait pris le goût du sucre brûlé. Impitoyablement, ses forces s’en allaient. Il venait de perdre encore en sueur l’équivalent d’un grand verre d’eau.
La femme n’était pas moins touchée. Gardant le visage baissé, elle se redressa, très lentement, et sa tête, imprégnée de sable, arrivait juste à la hauteur de ses yeux à lui. Nerveusement, elle se moucha avec les doigts, puis, faute de papier, prit une poignée de sable pour se frotter les mains ; dans le mouvement qui la penchait en avant, son pantalon lui glissa des reins.
L’air gêné, l’homme avait d’abord détourné les yeux. Au vrai, cependant, n’était-ce chez lui que de la gêne ? A la pointe de la langue, il sentait s’attarder, bien différente de celle que lui donnait la soif, une étrange excitation.
Chez l'homme de vingt ans, c'est l'idée-imagination qui provoque l'excitation sexuelle. Chez l'homme de quarante ans, l'excitation part de la surface même de la peau. Mais chez l'homme de trente ans, l'excitation naît de la représentation qu'il se donne de la femme en tant que silhouette, que contours : et pour cet homme-là, c'est là qu'est le danger ...
la liberté ne consiste pas seulement à suivre sa propre volonté, mais aussi parfois à la suivre.
Toutes choses qu'on laisse derrière soi sont déjà choses mortes !
la Solitude, c'est une soif qu'on ne peut apaiser ; la soif d'une illusion que l'on poursuit, et qui sans cesse se dérobe ...