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Critiques de Kolia Hiffler-Wittkowsky (2)
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Gosses d'homos

Quelques contributions authentiques (1 à 7, 8). Les adolescentes, pour beaucoup, avaient une dizaine à une quinzaine d'années au moment du mariage pour tous. Cette période qui les a marqués a été l'occasion d'aborder les questions identitaires de leurs mères et les leurs. L'homophobie à l'école n'est pas absente et chacune s'y fait à sa manière, parfois dans le renvoi de la violence (Anouk).

Ces témoignages sont apaisés, réfléchi et intéressant. Mais il ne concerne que les filles et des parentes lesbiennes (homos n'intègre ici aucun homme).



Subversion pour le reste, spéculatif puisqu'il s'agit fondamentalement d'une recherche identitaire personnelle, celle de l'auteure – qui échoue à démontrer ce que sa volonté voulait imposer et que son émotion trahit dans des propos contradictoires en postface : elle ne parvient pas à démontrer la possibilité de l'absence du père puisqu'elle-même en revendique la présence.



Le tout donne malheureusement une impression de confusion et de tromperie et s'achève par ailleurs dans l'agressivité, ne donnant pas l'impression d'une intention d'expliquer, de faire comprendre, d'accorder ou de réconcilier – et ruine en un sens l'intention spontanément curieuse de qui tourne la couverture et la valeur heuristique des premières contributions.



On a cependant envie de lire d'autres textes sur le sujets pour connaître mieux les témoignages masculins (il n'y a presque que des témoignages féminins ici).



Explications ci-dessous.



**********************



L'IMPRÉCISION DU TITRE ET DU SOUS-TITRE

Les « gosses » du titre ou les « enfants » du sous-titre sont, en vérité, exception faite de Nathan, 16 ans (et de Martin, 11 ans, qui n'a presque pas la parole), toutes des filles biologiques et de genre. Les « couples lesbiens » du sous-titre confirme que les « homos »-parents du titre sont toutes des femmes. Il s'agit donc seulement de parler de « filles élevées par des couples de lesbiennes».



Les « récits » du sous-titre sont en fait des « entretiens », des « témoignages », des « entretiens remaniés » ; et une fiction. le mot « récit » permet sans doute d'évoquer vaguement le témoignage, la biographie, et l'absence de revendication d'authenticité de l'étude.



LES ERREURS DE METHODE

Dans certaines contributions, on ignore qui parle, si c'est l'apprenti-sociologue ou le dialogue intérieur de la personne interrogée (ex. Maloë, 14 ans).



L'anonymat de Maloë n'est pas respecté, ce qui est dérangeant puisque la personne n'est pas majeure (14 ans).



On manque également d'élément de contextualisation sur les personnes interrogées : les informations sur leur identité ne sont fournies que par leur témoignage : l'identité de genre reposant sur la revendication personnelle, à partir d'une réalité biologique et socialement objectivée, il manque une partie des informations.



LA PETITESSE DU PANEL

Seize adolescents sont mentionnés en quatrième de couverture. Les contributions en mentionnent dix-huit. Faut-il alors, par probité, retirer celle de Martin, 11 ans, qui n'a presque pas la parole et celle de Mathilde, dix-huit, qui propose une fiction - ce qui valide définitivement son inauthenticité ?

Et comme Anne-Lise est la soeur de Sasha, Arya celle d'Ariel, Louise celle de Laura, et que Zoé est peut-être bien celle de Mathilde, cela ne fait plus que dix familles. Ce serait bien de l'écrire quelque part.

Enfin, on suppose que Kolya (hors panel, c'est l'auteure) est la soeur d'Anouk. Mais, comme pour Zoé, on laisse planer le (faible) doute.

Ces marques d'inattention sont trop nombreuses et importantes pour que l'on conserve une pleine et entière confiance dans le projet qu'on a sous les yeux.



LA FICTION QUI SE CONTREDIT

De fait, après les premiers témoignages, qui sont apaisés, clairement présentés, réfléchis, tout se gâte à partir d'une contribution au milieu du livre, présentée de la même manière que les témoignages (« le récit de Mathilde, 23 ans »). le mot « interlude » accroît le malaise ou avoue la supercherie ; quoi qu'il en soit installe la défiance.

C'est long (la plus longue contribution, cinquante pages). Elle ne présente que de la distance, des non-dits, de l'incompréhension, des malentendus, du rejet, voire de la haine (envers Isabelle).

Donneuse de leçon, cette « fiction » semble suggérer l'importance de la communication, dénoncer les effets négatifs des mensonges, les inconvénients de se raconter des histoires, mais elle se contredit dans son énonciation même et l'intention de sa production : puisque, en effet, en tant que fiction, elle nous « raconte une histoire ».

Impossible de raisonner sur les identités dès lors que s'intercale un narrateur. Impossible d'accréditer la leçon de favoriser la franchise pour un pseudo-témoin qui détourne son propos.



LA POSTFACE

Elle ruine tout le projet – ou plutôt le révèle.

Elle est présentée comme les autres contributions : « Kolya, 21 ans », comme par égalitarisme. Mais l'auteure n'est pas à égalité avec les personnes interrogées et une postface n'est pas un témoignage. En l'occurrence, elle ne produit ni un récit, ni un entretien, ni un témoignage, mais un texte militant, pseudo-psychanalytique.



Les marques de certitudes absolues y sont aussi nombreuses que contradictoires et montrent, en un sens, que tous les enfants se construisent de la même manière : par des convictions certaines et indépassables, en attente de réponses. Kolya, en l'occurrence, crie son besoin de réponses.



Ces paradoxes démontrent la jeunesse de la formation des idées de son auteur qui gagnerait à être modérée en attendant de trouver une plus grande cohérence. Par exemple : « si je n'avais pas été conçue par insémination artificielle tout en naissant en France, la probabilité que je ne sois pas racisée aurait été bien plus grande » n'a biologiquement aucun sens : si la personne qui a écrit cela n'était pas « racisée » (traduction : avait eu un donneur de phénotype « caucasien-europoïde » plutôt qu' « asiatique »), elle n'aurait pas été vivante - puisque c'est une autre qui serait née à sa place. (faut-il croire à la permanence des âmes ? moi pas.)



Marque de la confusion de l'intention du livre entre affirmation personnelle et étude objective, plus ou moins militante : « Ma transition exprime mon besoin d'affirmer mon identité de genre, quand l'élaboration de ce recueil de témoignages d'enfants arc-en-ciel provient du désir de mettre en évidence la spécificité de nos rainbow families ». Objectivité d'une étude ou affirmation identitaire de l'auteure ?



Les réflexions sont très neuves, peut-être pas encore éprouvées : « la progression de ma transition a, sur le plan temporel, coïncidé avec la construction de cet ouvrage ». L'édition date de février 2021 et l' « enquête » ayant commencé, au plus tôt, selon l' « avant-» préface, en 2020, les idées si fermement affirmées, presque agressives, ont moins d'un an.



Raison pour laquelle le vocabulaire n'est pas finalisé : « Je ne dis pas que je n'ai pas de « donneur », je dis que je n'ai pas de père. Distinction capitale : la personne qui a donné ne fait pas partie de ma famille ». L'auteure joue sur les mots : elle réagit à la phrase qui l'agace : « mais voyons, Kolya, tu as un père ! ». Elle refuse ce mot parce qu'elle entend « éducateur », alors que la phrase est manifestement produite avec le sens de « tout le monde a un géniteur ! ». Kolya, en effet, pourrait affirmer calmement qu'elle n'a pas de père si elle admettait avoir un géniteur, qui se trouve être un donneur. Pas la peine de s'énerver.



Autre chose que je n'ai pas comprise pour ma part : « j'ai été assignée au genre masculin à ma naissance, tandis que je m'identifie aujourd'hui comme une personne transgenre », puis, cinq pages plus loin : « je m'identifie moi-même comme lesbienne ». On comprend donc que Kolya est biologiquement un être masculin qui se détermine selon le genre féminin (femme transgenre), elle-même attirée par les femmes. Doit-on dire une femme transgenre lesbienne ? Peut-être, c'est à elle de le dire : pourquoi ne pas l'écrire ainsi et disséminer à la place l'information sur cinq pages ? La question identitaire ne semble pas si affirmée.



Ce manque d'assurance passe en l'occurrence par une agressivité : « lettres sup », Normale Sup' – je pense qu'un tel curriculum comporte assez de « sup' » pour satisfaire celles et ceux qui estiment encore que les enfants arc-en-ciel mèneraient nécessairement une existence extérieure aux voies valorisées par notre société ». C'est peut-être elle qui ne se valorise pas toute seule. Puisque les marques objectives de son « inclusion » ont été apportées par son excellence universitaire, que revendique-t-elle comme jugement mélioratif exactement ? le sien, peut-être.



Ici paraît toute l'ambiguïté, et la complexité, de la construction d'une identité minoritaire : annihiler le jugement de mépris des autres en s'élevant au-dessus d'eux pour devenir leur juge ; prendre la place du maître pour la nier. On pense à Éribon. La solution n'est pas la bonne : mépriser les autres parce qu'on a pris la place du maître perpétue la figure que l'on voulait éliminer. Mieux vaut, plus sûrement, l'ignorer.



Ce manque d'affirmation identitaire est encore révélé ici, quand on se déplace entre son point de vue et celui d'une extériorité dont on réfute par ailleurs l'objectivité du jugement : « il est étrange que naisse ce jour-là un être [moi] aux yeux perçus comme bridés [bridés ou pas ? perçu par qui ?] alors qu'aucune de ses [mes] mères ne peut se prévaloir d'une ascendance asiatique. » Pour information, et aider Kolya, peut-être, dans sa recherche identitaire, les Breton.ne.s, de manière moins marquée il est vrai, ont aussi les yeux bridés : on peut se revendiquer français, donc européen, et avoir les yeux bridés (si on admet toutefois de se dire Breton.ne ET Français.e ce qui, il est vrai, n'est pas assuré 😊)



De fait, toute la postface de Kolya revendique une recherche identitaire qui répond comme en écho à Nathan, qui témoignait quelques pages plus tôt, au sujet, il est vrai, d'une famille monoparentale : « il y a toujours un manque de confiance en soi, comme une faiblesse ». Kolya témoigne en effet d'une faiblesse qui est l'absence de certitude sur son père.



Elle affirme : « je n'éprouve aucun désir de contact avec l'origine ». À propos de la personne qui a donné ses gamètes mâles, au féminin : « je ne la connais pas et ne nourris aucun désir de la connaître ». Et pourtant. La postface crie le contraire.



La volonté de ne pas savoir se perd dans une formule négative et une question théorique égalitariste qui ne répond en rien à la motivation individuelle : « il n'est pas impossible que le fait d'avoir grandi avec deux mères, sans père(s), m'ait sensibilisée à une présence non-cismasculine. Et après ? Questionne-t-on de la même manière les personnes hétérosexuelles de parents hétérosexuels ? » semble-t-elle se demander à elle-même.



Non seulement elle n'a pas la réponse et demande qu'on la lui fournisse, mais en plus, outre que l'on peine à formuler la question réciproque, on ne saisit pas en quoi donner la réponse à la question de savoir si oui ou non on demande aux enfants hétéro nés de parents hétéro si… le fait de grandir avec des parents hétéro les ont sensibilisés à une présence cis-masculine ( ?) aide en quoi que ce soit Kolya. Elle seule a la réponse – ou est en mesure de la trouver.



Il semble néanmoins qu'on puisse l'aider en repartant de son cas personnel.



Anouk écrit en effet juste avant que ses mères « voulaient choisir le donneur », « un Taïwanais ». Si Kolya est bien la soeur d'Anouk, on en conclut que Kolya, qui exprime sa difficulté à revendiquer son apparence physique pourrait bien tout simplement ne pas savoir pourquoi ses mères, franco-allemandes et, de toute évidence, de phénotype caucasien-europoïde (puisque Kolya affirme qu'elle n'aurait pas été « racisée » avec un donneur « français »), n'a pas l'explication du choix de ses mères.



Elle gagnerait donc à leur demander et à obtenir leur réponse : « pourquoi avez-vous choisi un donneur taïwanais plutôt que de laisser le hasard me donner, en France, Belgique ou Pays-Bas un donneur de phénotype-causasien europoïde, ce qui m'aurait assurément simplifié la vie ? N'avez-vous pas l'impression de m'avoir compliqué la vie ? Pourquoi avez-vous fait ce choix ? ». La réponse pourrait apaiser Kolya dans sa recherche identitaire.



Il est vrai que les filles du panel ne témoignent pas du manque d'une figure paternelle. L'une d'elle, né d'un don, dit étonnamment que tous les hommes qu'elle croise dans la rue sont un peu son père. Nathan, le seul garçon cisgenre du panel, témoigne de la même idée d'une figure tutélaire déréalisée : avec les enfants nés d'un don en Belgique « c'est comme si on avait une sorte de père en commun ». Mais, contrairement aux autres enfants, il déclare l'importance de la biologie : « les origines du père sont importante », « le père, c'est peut-être ce qui manque dans ma famille », « la présence d'un père peut aider », « le père biologique est une sorte de père idéal ». de fait, Kolya et Nathan ont des discours qui se ressemblent.



Car lui aussi, comme Kolya, dit ne pas avoir de père. Et tandis que Nathan confirme son intérêt pour la biologie des origines, Kolya, « assignée au genre masculin à [s]a naissance », révèle son désarroi devant son phénotype. Tous deux ont besoin d'informations biologiques pour former leur identité.



Cela confirme donc que Kolya gagnerait à comprendre davantage le geste de ses mères de choisir la biologie de son géniteur.



Et, finalement, l'affirmation d'introduction, militante : « je tiens à montrer qu'il est possible de se passer de la figure du père » est totalement invalidée par la postface qui révèle la nature de cette revendication forte : l'auteure « voudrait » bien se passer de la figure du père mais, de toute évidence, ne s'y prend pas comme il faut, et réclame haut et fort : « aidez-moi, je ne sais pas qui je suis et pourquoi mes mères ont agi ainsi ».



Nous espérons avoir aidé Kolya à progresser dans sa recherche identitaire qui forme le véritable projet de ce livre et dont, peut-être la fiction intermédiaire serait la manière détournée de tenter de parler à ses mères d'intention qui pourraient, l'une par faiblesse, l'autre par autoritarisme, refuser de lui adresser la parole sur le sujet qui lui tient à coeur.



La sociologue professionnelle de la préface, Martin Gross, après relecture, avait bien prévenu, à propos du présent livre : « Même s'il réfute toute vocation scientifique ». En effet. C'est l'exposition d'une recherche identitaire personnelle. Nous n'aurions pas été fâchés d'avoir été prévenus.



Et, puisque les AMP sont si nombreuses à être faites en Belgique et aux Pays-Bas, merci aux Belges et aux Néerlandais de pourvoir si généreusement au renouvellement des générations en France !!!!!!!!!!!!!!!

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Gosses d'homos

Parce que depuis trop longtemps, de nombreuses personnes parlent au nom d'enfants de couples homosexuels sans être de près ou de loin concernées directement par ce sujet, Kolia Hiffler-Wittowsky, elle-même enfant d'un couple lesbien, a décidé de donner vraiment la parole aux premiers concernés.

Cet ouvrage très intéressant regroupe donc 16 récits d'enfants de couples lesbiens, qui racontent leur vie quotidienne, leur ressenti familial et leurs rapports aux autres. De quoi tordre le cou aux "défenseurs" des droits de l'enfant qui prophétisaient des enfants malheureux car "privés" de père et autres "joyeusetés".



Il en ressort des tranches de vie avec une multitude de configurations, mais où le point commun évident est qu'ils sont heureux dans leur famille, car évidemment, ils ont reçu tout l'amour dont ils avaient besoin pour se construire. Ce qui m'a en revanche agréablement surpris, c'est finalement la très faible part d'homophobie subie, comme quoi, la société évolue dans le bon sens, peut-être plus rapidement que je l'espérais.



Bref, un ouvrage salutaire qui montre bien (si tant est qu'il était besoin de le faire) que les familles homoparentales sont des familles "tout court", pas différentes des autres.
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