Son entourage agissait comme si elle allait s’effondrer d’une minute à l’autre. D’une certaine façon, ce n’était pas tout à fait faux. Il lui arrivait parfois, depuis le départ soudain de Roy, d’avoir l’impression de se détacher de son corps et de se regarder de l’extérieur en ne comprenant pas qui était cette personne devant elle. En tant qu’aînée, elle avait toujours été considérée comme réfléchie et responsable. Mais aujourd’hui, elle avait perdu toute son assurance et se sentait infiniment vulnérable. Un peu comme un lapin, elle aussi…
Elle aurait aimé que Rabbit soit resté. Même s’il était beaucoup plus jeune qu’il ne le paraissait, il était gentil et attentionné et elle avait envie de s’asseoir par terre avec lui pour lui poser des milliers de questions, comme s’il possédait la clé d’un nouveau monde qu’elle aurait voulu visiter, là, maintenant. Un monde magique, étrange et fascinant. Un monde dans lequel elle n’aurait pu s’attarder mais dont l’histoire la fascinerait, comme les contes de fées fascinaient les enfants.
Elle s’était imaginé qu’il pourrait jouer une sorte de renégat, le jeune athlète beau comme un dieu, qui enflammait ses nuits et qui l’avait choisie parmi des dizaines de femmes prêtes à satisfaire ses moindres caprices au premier claquement de doigts.
Elle voulait avoir l’air de la trentenaire libérée qui profitait pleinement de la vie. Elle en avait assez de faire pitié à tout le monde. La pitié était en train de l’enterrer vivante.
Sa parfaite maîtrise de soi lui permit de ne pas réagir. L’expérience des concours de beauté lui avait appris à ne jamais laisser ses émotions transparaître. Pourtant, elle en avait ressenti des blessures d’amour-propre.
Il pouvait tout aussi bien avoir vingt-deux ou trente-deux ans. C’était difficile à dire. D’une façon comme d’une autre, il était trop jeune pour elle. Elle décida que le plus sage était de ne pas le regarder.
Il fallait absolument qu’elle apprenne à se détendre et à saisir les opportunités qui se présentaient.
Après tout, puisqu’elle avait décidé de changer de vie, autant y aller franchement.
Il y avait une foule de jolies femmes avec qui il pouvait passer ses nuits. De toute façon, Adele était de celles dont on tombe amoureux, pas la partenaire d’une histoire d’un soir.
Jamais il n’avait vu une bouche aussi sexy. Et le fait qu’elle n’en avait pas conscience la rendait encore plus désirable.
Il n’y avait rien de plus épuisant que d’écouter les autres s’apitoyer sur votre sort.