Je ne sais combien de temps je restai prostrée dans la petite chambre adjacente au salon. Le contre coup avait été terrible. La vérité dévoilée par Kate m’avait littéralement assommée et je n’aurais pas été en meilleur état si l’on m’avait battue à mort. J’aurais d’ailleurs tout donné pour échanger cette réalité cruelle avec quelques traumas d’ordre physique.
Je restai plusieurs jours sans manger, ne me relevant du lit poussiéreux que pour me soulager, régulièrement au début, moins par la suite. Mon corps fonctionnait au ralenti. Kate ne me bouscula pas et se contenta de m’apporter une assiette, à chaque repas, qu’elle déposait sur la table de nuit et qu’elle récupérait intacte. Je l’entendais parler depuis le salon mais ne me souciais pas de l’identité de son interlocuteur. J’étais seule, seule avec mon chagrin, seule avec le souvenir de mes parents et de mes amis que je ne reverrais jamais.
Par exemple, les gens avaient perdu la notion de temps. Le simple plaisir de prendre le temps. Tout devait être accessible, tout de suite, de n’importe où, à n’importe quel moment. Fini le plaisir de cuisiner, de partager un bon repas de famille. Fini celui de rechercher une information dans un livre, de se rendre à la bibliothèque. Finis la correspondance écrite et le temps que l’on consacrait à la tournure de nos phrases, au soin que l’on prenait à notre écriture. Pire que l’efficacité, il fallait être efficient. Seul le plaisir immédiat semblait avoir une place dans cette société moderne où tout à chacun était connecté en permanence.