Attirée par un tout petit banc en bois, je me suis approchée; immédiatement une grande sympathie nous a relié. Sa petitesse ne laissait rien présager de sa vieillesse. Il avait beaucoup servi. Son bois s’était usé et lustré par l’utilisation répétée de je ne sais quelle tâche. En une fraction de seconde, je l’ai fait mien. J’en suis tombée folle amoureuse.
"Pourquoi n'envisages-tu pas de faire autre chose ?"
"Quoi d'autre ? Demande Nelly. J'aime ce métier malgré tout. Et je ne sais faire que ça. Je rêve de trouver le refuge idéal, fréquenté par de vrais montagnards avec de vraies valeurs, respectueux des lieux et de notre travail. Un refuge où les gens ne seraient pas tout le temps en train de râler, oubliant un peu leur confort et se satisfaisant de ce qu'on leur donne. Mais voilà, on les a trop mal habitués. Aujourd'hui, ils prétendent ici aux mêmes prestations qu'en bas. A la différence qu'ils se croient chez eux parce qu'il s'agit d'un refuge."
Un couple se pose sur la terrasse, à deux pas de nous, sans même un regard ni un bonjour. L'homme attrape le sac à dos de sa compagne, en sort un sachet de victuailles et une gourde qu'il cherche vraisemblablement à remplir. Il fait trois fois le tour du refuge avant de s'adresse à moi.
"Pour l'eau, c'est où ?" Fait-il en brandissant sa gourde ?
"Bonjour ! Soyez les bienvenus ! " Je lui réponds, avant de lui indiquer la fontaine. Un peu décontenancé, l'homme part la remplir.
Coincée dans mon appartement, je réalise à quel point le paysage auquel je m'étais habituée va me manquer. Cette nature minérale et austère, le vent qui souffle dans les fenêtres, ces grands espaces tout autour et la puissance des éléments, je m'y suis attachée.
Mon retour à la ville est brutal et j'ai le vague à l'âme.
Je savoure la vue sur le paysage qui m'entoure. Sans doute l'un des plus beaux panoramas de toute la chaîne. La montagne est belle, et un instant plus rien ne compte que le plaisir de rester sans rien faire à regarder au loin et écouter le silence.
Un plaisir bien fugace, car déjà, des randonneurs arrivent.