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Citation de KATE92


Aéroport de Paris.
Les destins se croisent, parfois se rencontrent ; c’est rare, mais précieux. Les voyageurs se promènent ou attendent. Les hôtesses et Steward au sol renseignent, enregistrent, contrôlent. Des hommes en armes surveillent.
Les candidats à l’enregistrement pour le vol 1342 à destination de Corfou glissent dans la file d’attente qui serpente vers le comptoir au rythme de lents soubresauts.
Ici et là dans le hall, quelques sièges en métal dur et froid permettent à ceux qui le souhaitent de faire une pause. Certains lisent la presse écrite.
Amadou pousse devant les lecteurs le chariot contenant balais, serpillières, éponges et produits d’assainissement. Sans bruit, sans hâte, il le fait rouler au milieu du hall. Son esprit est ailleurs, au Mali.
Il a des images de femmes et d’enfants plein la tête, de couleurs vives, de soleil et de grandes étendues naturelles exemptes de bitume. Des réminiscences d’odeurs d’épices et de tchourayé le maintiennent en vie. Parfois ce sont d’autres souvenirs qui lui reviennent et le rapprochent de la mort. Des flammes, des hurlements, craquements des arbres et des murs qui s’effondrent, la fumée étouffante… dans ces moments-là, il a chaud, il se sent brûler même au plus profond de l’hiver occidental. Il a 60 ans mais jamais n’élimine de son souvenir cet incendie. Il n’avait alors que 13 ans. Tout ce qui a brûlé, les biens, les arbres et sa famille, est resté quelque part au pays. Les esprits voyagent dans le corps d’animaux libres de leur trajectoire, protégés par un ciel sans nuage.
Amadou est technicien de surface à l’aéroport de Paris, depuis un an. Discret, presque timide, il ne se fait pas remarquer. Il porte une chemise et un pantalon de travail de couleur verte qui dissimulent habilement un corps ferme aux muscles nerveux. Une moustache rase et des lunettes rectangulaires lui offrent une ressemblance parfaite avec un personnage très important de son pays.
Il pense qu’il pourra y retourner pour le ramadan. Pour l’instant il dort dans une petite chambre près de l’aéroport qu’il partage avec d’autres collègues. Des lits suspendus, de fins matelas mousses, quelques chiffons et habits, une plaque chauffante, un évier descellé et émaillé ; c’est ce qui compose à peu près toute leur fortune conservée entre les murs de béton sans apprêt que perce une unique fenêtre meurtrière. Et puis les petits secrets. Les trésors du cœur, de l’esprit et ceux que renferment une petite boîte, en carton ou en plastique, que l’on glisse sous l’oreiller ou dissimule sous la couverture rêche, au pied du lit.
Amadou fait glisser son chariot agrémenté d’un gyrophare orange et d’un petit signal sonore agaçant, devant une rangée de sièges occupée.
Sans précipitation, il se baisse et ramasse un objet au sol. Il est passé maître dans l’art de la prompte récupération, au point que la proie ne touche parfois pas le sol avant de se trouver entre ses mains agiles.
Le butin disparaît rapidement dans la poche de son pantalon et ira retrouver ce soir la fameuse boîte à trésors où il conserve tout ce qui pourrait servir ou être envoyé au pays, à l’une de ses femmes par exemple.
Un peu perdue dans toute cette foule dont elle n’a pas l’habitude, Françoise bute dans le chariot d’Amadou. Elle s’excuse et mise en confiance par le regard sympathique de l’homme elle s’adresse à lui :
- Oh Monsieur ! C’est horrible cette attente ! Déjà une heure de retard !
- Madame, au bout de la patience, il y a le ciel !
Il pousse un peu la dame du bout de son chariot afin de poursuivre son chemin. Mais cette dernière est tenace.
- Oh ! J’adore! C’est un proverbe africain, n’est-ce pas ? De quel pays êtes-vous ?
- Madame, présentement, je travaille… Et on ne peut courir et se gratter les pieds en même temps ! (…)
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