![Le désir de voir par Jenny Le désir de voir](https://images-eu.ssl-images-amazon.com/images/I/510Ew4-L7gL._SX95_.jpg)
Après L’émerveillement de Pascal Dethurens dans la même collection, ce livre est une autre confidence. Il se limite aux arts graphiques, peinture, lithographie, photographie dans sa forme la moins apprêtée du sténopé. Pas de sculpture ni d’architecture et encore moins d’image naturelle. À la fois plus savant — dans l’analyse iconographique des versions multiples d’un même tableau ou de la déformation des perspectives chez Hubert Robert, Bonnard ou Cézanne, le « désarrimage » —, et plus personnel : ses propres tentatives photographiques, ses lectures, ses néologismes. Un homme qui sait regarder, emprunter si nécessaire à Diderot, Valéry ou Sartre, fasciné par la filiation entre l’écriture, la calligraphie, le dessin libre ou psychédélique, et encore la précision trompeuse des rêves. Un homme qui a beaucoup lu, écrit avec une évidente recherche de précision (certaines pages rappellent la prodigieuse ouverture des Géorgiques de Simon), qui veut aller loin comme dans le voyeurisme devant le « Tarquin et Lucrèce » du Tintoret (une pensée pour L’âge d’homme de Leyris) ou une photographie contournée de Degas. Explosée, la composition d’un tel livre échappe au résumé. Les citations aident à l’investir.
Commenter  J’apprécie         40 ![Le lieu et le moment par Jenny Le lieu et le moment](https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/21F04smdOrL._SX95_.jpg)
C'est une géologie des souvenirs que propose Laurent Jenny avec ce nouveau livre composé de fragments autobiographiques. De l'enfance de l'auteur aux souvenirs de voyages et même jusqu'à la restitution de rêves que l'auteur décrit comme "faits d'images sans suite, toujours vraie une à une, mais hâtivement raboutées en récits au réveil, dont, à les raconter en exercice de fausse logique, on sent craquer les mauvaises coutures, les raccords imparfaits." Chacun des fragments est isolé et pourtant partie prenante d'un ensemble présenté sous forme de poésie en prose. Avec distance et pudeur, l'auteur évite le récit du moi, la figuration de soi, au profit d'une série d'images sensibles, parfois floues comme dans un rêve, et particulièrement dans son évocation de ses voyages en Inde et en Chine, où le texte s'esthétise de senteurs, de couleurs, de formes, de sensations - fortes impressions où le lecteur fera peut-être, lui aussi, l'expérience d'une épiphanie esthétique que semble avoir vécue l'auteur qui s'efface ainsi derrière ce diaporama de l'intime, du souvenir, de la réminiscence. Le lieu et le moment est un arrêt sur image d'une " foule en mouvement" - pour reprendre les mots de Michaux -, mais cette foule c'est l'auteur lui-même. Et c'est beau.
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