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Citation de Partemps


On peut difficilement considérer le surréalisme sur le plan seulement littéraire.
Engagé dans les luttes sociales de son temps, mais aussi dans la révolution
psychanalytique, associant recherches dans le domaine pictural et investigations
d´ordre plus philosophique, son grand projet a été la transformation de l´homme, et
cela à travers le bouleversement des habitudes sociales et culturelles, en
développant de nouvelles expériences de vie. Au cœur de cet effort, il y a certes
l´écriture poétique, mais celle-ci prend une nouvelle dimension qui dépasse de loin le
seul champ de la littérature. Tout l´homme y est engagé, tout l´homme dans son
rapport avec lui-même (rêves, réflexions, désirs), mais aussi avec les autres et avec
le monde. Pour le dire sommairement : le surréalisme fut extrêmement novateur en
ce qu´il vit dans la poésie le moyen de développer une nouvelle expérience du
monde, et c´est passer à côté de lui que de le réduire à une école littéraire au sens
étroit du terme. À bien des égards, c´est cette dimension supra-littéraire et que l´on
pourrait qualifier d´anarchique qui le rapproche du romantisme allemand et de ses
expérimentations interdisciplinaires (ce qui explique l´intérêt de Breton et d´autres
surréalistes pour celui-ci1
).
Rien d´étonnant alors que de jeunes auteurs, réagissant plusieurs décennies
plus tard aux mêmes maux du siècle, aient pu se reconnaître dans les mots d´ordre
et les visées du surréalisme. Pendant que d´autres s´adonnaient à l´écriture
automatique en y voyant avant tout un jeu, quelques-uns saisissaient l´esprit même
du surréalisme et en percevaient toute l´originalité, au-delà de certaines de ses
pratiques et de quelques-unes de ses erreurs. Parmi ceux-là, il y a Kenneth White,
qui, dès son temps d´études à Glasgow, a rencontré le corpus des textes
surréalistes, et qui est venu en France, pour une bonne part, à la suite de cette
découverte. Le poète-penseur, futur auteur de récits, de livres de poèmes et
d´essais, fondateur de l´Institut international de géopoétique, se reconnut aussitôt
1
Nous avons abordé ce point à propos de Roger Caillois, surréaliste un temps et pour lequel la
lecture des romantiques allemands fut déterminante. Voir notre article « Approche de la pensée
lyrique de Roger Caillois », in Littérature, numéro 120, p.74-88.
2
dans l´activisme surréaliste, et dans sa volonté de rupture avec la société et avec les
valeurs existentielles et artistiques de celle-ci. C´est surtout la figure et les oeuvres
d´André Breton qui, dès le début, eurent un effet magnétique sur l´esprit du jeune
homme : au cœur de ce rayonnement, il y avait la présence d´une interrogation
incessante sur la possibilité d´un nouvel ordre social, alliée à une pratique poétique
nouvelle, la nouvelle utopie surréaliste combinant individualisme et révolte sociale.
Comment concilier développement individuel et changements collectifs : cette
question était évidemment au cœur de ce qui fut caricaturé ensuite comme la
« pensée 68 », et Breton donnait la plupart des réponses, dont celle-ci, qui n´est pas
sans rappeler certains des slogans contestataires des années soixante :
Lâchez tout.
Lâchez dada.
Lâchez votre femme, lâchez votre maîtresse.
Lâchez vos espérances et vos craintes.
Semez vos enfants au coin d´un bois.
Lâchez la proie pour l´ombre.
Lâchez au besoin une vie aisée, ce qu´on vous donne pour une situation d´avenir.
Partez sur les routes2
.
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