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Citation de Partemps


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Peut-être est-ce cette proximité géographique et quasi fantasmagorique qui
permit la rencontre entre Kenneth White et André Breton quelques années plus tard.
En 1964, la revue Les lettres nouvelles publie un extrait du manuscrit des Limbes
incandescents, alors que paraît en même temps En toute candeur, le premier livre de
White publié en français. Celui-ci envoie un exemplaire à Breton, qui lui répond et lui
écrit dans sa lettre l´avoir déjà lu dans la revue de Maurice Nadeau :
Jeudi soir, attablé comme de coutume au fond de ce café des Halles à
l´enseigne de La promenade de Vénus, j´avais, la revue en main, longuement
insisté sur le haut accent de nouveauté qui me frappait dans cet A la lisière du
monde. Nadeau avait montré grand discernement et même clairvoyance en
donnant ce texte en tête du numéro… Il ne manque pas de banc dans le
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Les limbes incandescents, Paris, Denoël, 1976. Dans un entretien inédit que nous a accordé
Kenneth White celui-ci déclare : « … à partir de 1959, à Paris, je me promenais souvent avec un livre
de Breton en poche : Nadja, L´Amour fou, Les Pas perdus, Arcane 17. J´ai fait de l´écriture
automatique aussi, y voyant une méthode de libération. Les premières pages des Limbes
incandescents sont assez surréalistes – après, on entre dans un autre territoire ».
5
Op.cit., p.103. Le groupe surréaliste se réunissait aussi place Blanche.
6
Les limbes incandescents, op.cit., p.57.
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En référence à la phrase de Nietzsche dans Ecce homo : « Nous sommes des Hyperboréens ».
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monde où nous ayons chance de nous trouver côte à côte et de nous entendre
presque sans parler, comme une fois pour toutes ils ont pris la pose à l´ouest8
.
Dans cette même lettre, Breton propose au jeune auteur de collaborer à la
revue qu´il dirige, La Brèche, ce que fera celui-ci la même année avec un autre
extrait des Limbes incandescents. Dès ce premier courrier, on sent qu´un lien assez
fort s´est créé entre les deux hommes, et qu´un respect mutuel domine entre eux
(loin de l´idée qu´on peut se faire des rapports d´un maître à un élève, et loin aussi
de la représentation caricaturale et fausse du « Pape du surréalisme »). Après avoir
insisté sur le « haut accent de nouveauté » de son écriture, Breton, esprit aux aguets
plus qu´autorité, revient sur le livre de White : « Il demande à être goûté très
patiemment – ce que j´avais éprouvé pour la poésie de Trakl, en tout dernier lieu ».
Malgré ce premier échange si chaleureux et si ouvert, la rencontre n´eut pas
lieu – Breton mourut un an plus tard. Mais pendant plusieurs années, White avait
approfondi sa connaissance du surréalisme, et l´avait expérimenté à sa manière,
physiquement et intellectuellement, par le corps et par l´écriture. Quant à l´auteur
d´Arcane 17, sans doute avait-il perçu dans les premiers écrits publiés du jeune
Ecossais une énergie singulière et une écriture forte, à la fois proche du surréalisme
– par son approche des lieux et des êtres, par sa liberté de ton et de style -, tout en
étant portée vers une nouvelle expérience du monde.
II. « L´ombre frénétique de Charles Fourier »
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