Citations de Laurent Ott (37)
Si l'on parle beaucoup des familles, les familles elles-mêmes sont rarement invitées à s'exprimer sur les difficultés sociales qu'elles rencontrent. Les familles ont cela de commun avec les organes que, dans l'imaginaire public, elles sont censées ne bien fonctionner qu'en ne faisant jamais parler d'elles. On demande au fond aux familles comme aux femmes-objets : sois belle et tais toi !
Allons- nous assister sans réagir au double mouvement complémentaire qui met en scène, d'un côté une marchandisation rampante des espaces publics, de la relation éducative et de la relation d'aide, et de l'autre une rigidification de rapports institutionnels avec la montée de l'autoritarisme et du sécuritarisme ? P117
Au Moyen-Âge, de nombreuses écoles avaient le titre d'école-cathédrale, c'est un nom magnifique. Je pense que toutes les écoles sont des cathédrales : comme elles, elles sont les racines du ciel.
On s'imagine leur être indispensable : en réalité, on leur doit tout. Ce sont des enfants qui m'ont appris à écrire pour les décrire, à parler et à m'imposer dans les réunions pour leur donner en retour la parole et me faire quelque fois le témoin de leurs joies, de leurs émotions. Même leur silence me parle et toujours je leur répondrai.
En éducation, deux choses sont vraiment essentielles : dire ce que l'on fait (et pourquoi) et faire ce que l'on dit.
Nous sommes certainement obligés aujourd'hui de chercher hors de l'école un peu de vérité sur ce qu'est et peut être la pédagogie pour des acteurs éducatifs et sociaux.
Le terme pédagogie est usurpé quand il s'agit en fait de consignes de travail, ou de méthodologies souvent sommaires, destinés à permettre à l'enseignant de se représenter son action de façon dynamique et d'y trouver, à défaut de sens, à tout le moins l'impression d'une cohérence et d'une continuité.
Si, avec quelque raison, on redoute l'avènement d'une société entièrement marchande et pénale, on comprend mieux pourquoi il est devenu essentiel de préserver ou de reconstruire des espaces relationnels ou sociaux qui ne soient sous la coupe ne de relations d'échange de type marchand, ne des relations institutionnelles de type, autoritaire. p118
Je suis persuadé qu'être enseignant c'est être ou devenir l'agent artistique de nos élèves : leur trouver une salle, un livre, un recueil, un écran pour étaler leur talent. Le reste c'est leur travail...
Considérer les enfants comme des auteurs ou des chiens savants, il faut bien choisir.
Le respect n'est pas ce quelque chose d'anonyme, cette servitude sociale, cet a-priori bienveillant pour l'autorité en place qu'on voudrait qu'il soit. Non, le respect c'est avant tout donner envie de se faire respecter. Le malheur vient qu'au lieu de susciter le respect, on veuille le faire "apprendre" : "Je vais t'apprendre le respect, petit con !"
C'est ainsi que nombre d'enseignants entretiennent leurs fantasmes sur des zones où ils ne sont jamais allés, sur la difficulté mythique des postes spécialisés dans les établissements médico-sociaux...
Les pauvres ! S'ils savaient combien, au contraire, la vraie souffrance professionnelle vient de la solitude pédagogique, du renoncement à l'innovation, de la peur de l’échec, s'ils savaient combien on se sent plus efficace, mais en équipe, avec des enfants souffrant de graves troubles, que seul dans une école de centre-ville face à ses doutes et à ceux de ses élèves.
Si l'adulte est capable de percevoir différents niveaux dans la demande de l'enfant et s'il prend la peine de lui transmettre, la communication avec l'enfant prend aussitôt une certaine "épaisseur"
Reconnaître la solitude des enfants, c'est déjà l'alléger un peu
Apprendre aux enfants que l'on peut avoir des amis qui ont des ennuis, qui se conduisent mal, et que l'on n'est aucunement obligé de les imiter pour leur plaire ou les aider, est fondamentalement plus efficace que toute accumulation de devises et de conseils.
L'autre,quand il est trop semblable et qu'il partage trop de difficultés avec moi, ne me renouvelle pas : il m'enferme davantage.
Reconnaître la solitude des enfants, c'est déjà l'alléger un peu.
On mesure d'autant plus le courage qu'il faut dans un tel contexte aux parents pour réclamer de l'aide. Alors, quand en plus, ils ne l'obtiennent pas et y gagnent un image négative, cela met un terme à toute confiance dans les institutions publiques.
Même de nos jours, quand on parle d'aide sociale à l'enfance, l'opinion publique pense spontanément aux mesures de retrait et de placement 'd'enfants maltraités'. Il a ainsi échappé à la soiété tout entière une mutation du visage de la détresse familiale qui n'est pourtant pas nouvelle.
La famille est l'insitution humaine à la fois idéalisée et la moins prise en compte car elle impressionne.
Si eux, grands spécialistes, dont le niveau d'étude et de qualification est toujours plus élevé, ne parviennent pas à obtenir ce qu'ils attendent des enfants, comment les parents pourraient-ils y parvenir ?