On estime avec Fichte que l'insolence et l'arrogance consistent bien plutôt à dire : Voici mon avis, il ne vaut pas mieux qu'un autre, je le donne parce qu'il est mien. Donnez-le à cause du rapport qu'il a au vrai, ou bien ce n'est pas la peine de parler ou d'écrire. C'est manquer de respect à autrui et à la raison en autrui et en soi, que d'étaler aux gens ce que l'on pense personnellement, sans viser au vrai et sans avoir la modeste mais ferme confiance qu'on s'en approche, que sur certains points on y touche.
La plus rude adversaire que les théories de Malebranche aient rencontré, c'est Arnauld. Il semble que le vieux théologien n'aurait pas dû combattre une philosophie si étroitement liée à la religion et si profondément pénétrée de l'esprit chrétien.
Trois puissances attirent tous les regards à l'heure qu'il est. Elles se disputent l'empire des âmes : chacune d'elles prétend nous fournir l'explication de la vie et en déterminer la direction, les trois ensemble forment un certain esprit d'où sort une conception assez nouvelle de la destinée humaine et de la conduite humaine. Ces trois puissances sont l'Art, la Science et la Critique. J'écris ici ces mots en lettres majuscules. Je suis un usage que je ne crois pas bon en général. Il m e semble qu'ici c'est un moyen de marquer aux yeux pour ainsi dire que ces puissances exercent un grand empire sur les pensées et les actions des hommes.
Cousin a dirigé mon inexpérience et soutenu ma faiblesse avec sollicitude paternelle. Quand on lui parlait de mes distraction, il répondait : "Non, il n'est pas distrait, il est abstrait; il pense philosophie. "
Il y a dans Platon un bien beau mot : « C'est avec l'âme entière qu'il faut aller à la vérité. » J'étais élève à l'École normale quand je commençai à comprendre et à goûter cette parole, et je vois encore la place où, m'essayant à étudier la dialectique platonicienne, je méditais sur le texte que je viens de rappeler, en y joignant le commentaire éloquent que je trouvais dans les pages les plus entraînantes de la Connaissance de Dieu ou de la Logique du P. Gratry.
C'est par peur de l'anthropomorphisme que la philosophie moderne a ainsi détaché la pensée de ses conditions d'existence concrètes. Modelée plus exclusivement qu'elle ne le croyait peut-être sur le type de vérité que nous exhibent les sciences de la nature extérieure, elle a voulu y plier bon gré mal gré la connaissance de l'homme. Il en est résulté que certaines notions, légitimement valables pour l'explication des choses matérielles, n'étaient plus pour la représentation de l'activité humaine que des notations appauvries et même déformantes. Combien est plus vrai en comparaison
cet humanisme des anciens, qui a conçu tout usage régulier de la pensée en
fonction du perfectionnement de notre nature, qui a admis d'emblée la solidarité de la raison et de la vie, qui, ramenant à cette mesure la valeur de nos idées, faisait résulter de l'épanouissement harmonieux de toutes nos puissances l'union du savoir, du savoir-vivre et du savoir-faire !
Nous voilà au point précis et essentiel, au cœur de la question. Si c'est bien là l'idée de la science, si tel est bien l'esprit de la science, entre la philosophie et elle quel rapport trouver qui permette de dire : la philosophie est science? C'est dans leur essence même et dans leur principe intime que la philosophie et la science diffèrent. Toutes les analogies ou ressemblances possibles s'effacent, s'évanouissent devant cette radicale différence ; et, si la science est bien cela, la philosophie n'a plus d'autre ressource que de se laisser absorber par la science et dans la science, d'en être une province
encore imparfaitement conquise, d'aspirer à, y être complètement réduite, ou encore d'en être comme le résumé et la formule la plus générale.
Malebranche introduit le mysticisme dans la méthode cartésienne : cela ne l'empêche pas de montrer pour la méthode géométrique la même prédilection que Descartes et même il a, pour aimer cette méthode, des raisons particulières que Descartes
La vie, cette chose qui est en moi, qui est mienne, et qui de tant de manières m'échappe, puisque je n'en ai pas le secret et que je n'en suis ni le principe ni le maître : quel objet incessant de mes pensées, de mes désirs, de mes soins ! Et, si je me mets à réfléchir, quelle énigme! Je porte sur la vie les jugements les plus divers, les plus contradictoires : je la juge bonne, et je la déclare mauvaise ; je l'estime, et je la méprise; je tiens à la conserver comme une chose précieuse et chère entre toutes, et je la prodigue comme une chose vile.
Il n'était pas encore philosophe. Il n'avait rien étudié. Il n'avait aucune idée, aucun soupçon de la méthode. Sa raison n'était pas exercée. C'était un brillant rhétoricien, et rien de plus. Et le voilà qui décide que contre les objections vulgaires répandues par l'incrédulité du XVIIIe siècle le christianisme ne tient pas. C'est pitoyable de naïveté. Il nous dit bien qu'il a examiné les objections et les réponses qu'y font les croyants; il ajoute même qu'il a fait cet examen avec partialité pour la religion.