Il y a plus encore : les sanctions sociales viennent s'ajouter aux sanctions individuelles; il semble alors, en Italie surtout, que les honneurs, les dignités soient les récompenses immédiates de l'intelligence et du travail. Ces hommes de la Renaissance, qu'ils soient érudits, peintres, sculpteurs, poètes ou historiens, à quelque degré que les place d'ailleurs leur génie, ont lutté courageusement contre les obstacles qui menacent à leurs débuts tous les talents, mais ils en ont triomphé.
La culture intellectuelle permet donc d'espérer tous les honneurs, elle assure tous les avantages. C'est elle qui, dans l'Eglise, conduit aux dignités; rappelons la rapide fortune d'Enea Silvio Piccolomini qui s'éleva d'une situation voisine de la misère à celle de secrétaire particulier des grands dignitaires de l'Eglise; il se fit connaître et apprécier par lui-même, prépara sa grandeur future, alors que rien cependant, dans le rôle hostile qu'il avait joué contre le Pape au concile de Bâle, ne l'y avait destiné, non plus que sa vie facile, au milieu d'amis voués au culte de l'Antiquité, mais adonnés à des moeurs rien moins qu'irréprochables.
Rappelons tout d'abord qu'au début de la Renaissance, l'homme, remis en face de lui-même, a repris conscience de sa force, et surtout de la force de sa raison. C'est à elle qu'il revient désormais pour demander des règles pratiques de vie, pour examiner des vérités d'ordre spéculatif. Il sépare les deux domaines du spéculatif et du pratique, autrement dit de la morale et de la foi religieuse, et réagit contre le surnaturel. Ainsi l'idéal se déplace, chaque homme le porte en soi, puisque ce n'est point autre chose que le complet épanouissement de sa nature; et comme cette nature est universellement considérée comme bonne, chacun, en travaillant à son propre développement, pourra réaliser le bonheur particulier pour lequel il est né.
Quoi que tu fasses, dit-il, que tu manges, que tu boives, que tu travailles de la main, que tu enseignes, je dis même, quoi qu'il soit évident que tu pèches dans ces actions, n'aie aucun égard à tes oeuvres, considère les promesses de Dieu, et crois avec confiance que tu n'as plus de juge dans le ciel, mais un bon père rempli pour toi du plus tendre amour.