Offrande
Je ne fais guère que ramasser des cailloux. Cependant, l’esprit de ce geste abrite une prière pour l’eau, qui seule saura donner à entendre la musique. Qu’importe le poids des pierres accumulées ? C’est toujours une paille – insignifiante et légère. Une montagne prête à s’envoler au premier souffle.
Pourtant, tout ne s’envolera pas. Restera la musique. Lorsqu’elle sonnera. Si vraiment elle sonne.
L’invité ne se montre toujours pas. Loin devant lui se perd un long chemin vide. Seule cette prière l’aide à tenir, alors que la musique s’obstine dans son silence et ne se laisse pas même imaginer. Comment se figurer le son de l’inouï ?
Quant à ceux qui auraient pu composer un décor... Ils y parviennent malgré tout, aujourd’hui encore, puisque leur souvenir subsiste. Leur souvenir. Ils ont disparu comme le reste.
Ce qui demeure ? Cette matinée et ses oiseaux, sa douce brise, venue de loin se faire sentir ici. Je ne puis dire d’eux qu’ils sont de vrais amis ; mais ils pourraient le devenir, si seulement la musique se laissait entendre dans mon intérieur.
Demeurent la prière et le souvenir. Demeurent l’espoir, la terre autour et, dans l’attente de l’eau, ce tas de pierres. Mon seul travail est de les ramasser – de ne jamais cesser de le faire. Heureusement j’ai la main forte ; du moins jusqu’à présent.
Mais l’instant reste immobile. Partout, d’une porte à l’autre et au-delà de toute porte, le mouvement se pétrifie.
L’intérieur de cette chambre n’échappe pas à la vague de gel.
Partout, quel incroyable tissage, quelle maille serrée. Le tissage – rien d’autre. Elle n’est nulle part, la brèche où respirer. Ou elle n’est pas encore.
Mon offrande n’est rien et je n’ai qu’elle à te présenter, mon seul trésor et seul soutien : cette prière, cette attente de l’eau.
(Traduit du bengali par Lokenath Bhattacharya et Cédric Demangeot, p. 11-12)
Combien de fois Madhu l'avait vue de ses propres yeux se lever brusquement et se mettre à danser, presque en riant, comme si pour elle ce n'était qu'un jeu. Alors, jambes écartées, genoux à moitiés pliés, debout, les bras ouverts, elle ressemblait à une sculpture de Pârvatî. Dans cette pose, le vagin ouvert, son corps semblait sucer la sève vitale qui sortait de terre. Alors, dans l'esprit de Madhu on célébrait en un temple céleste un sublime culte vespéral avec cloches et cymbales.