C'est un bon moment que j'ai passé avec ce "dictionnaire historique d'argot" ou "huitième édition des excentricités du langage" de M Etienne Lorédan LARCHEY. Je dois me rendre à l'évidence, je développe une vraie dépendance à ces listes de mots, à ces dictionnaires qui me font découvrir des richesses lexicographiques insoupçonnées et exotiques. Cet ouvrage de 1881 n'a pas fait défaut. Une introduction d'une trentaine de pages permet à l'auteur de faire un bref historique de l'argot, de sa naissance et de ses usages. Il annonce tout de suite qu'il va s'intéresser à de nombreux argots, celui des voleurs, escrocs, bandits mais aussi des métiers (typographes), du sport, de la police, de l'armée, du journalisme. Il précise qu'il s'est concentré sur la région parsienne qui pour lui est le carrefour où les différentes "langues" argotiques se rencontrent et présentent le plus d'attrait.
Il définit également les sept procédés de création qu'utilise l'argot pour fabriquer ces mots nouveaux : réutilisation de vieux mots, substitutions diverses, modification, déformation, harmonies imitatives, jeux de mots, souvenirs et importations diverses.
Il insiste déjà sur la tendance à l'abréviation des termes. On tronçonne le début ou la fin pour modifier et raccourcir les mots, les rendant plus faciles à prononcer, plus percutants. Cette façon de faire n'est donc pas une nouveauté contemporaine.
J'ai apprécié de découvrir de nouveaux mots que je n'avais trouvé ni chez Vidocq, ni chez Delvau. Je remonte de cette mine de papier avec de belles pépites dont je vous ferai apprécier un échantillon le plus alléchant possible.
LARCHEY a également eu la bonnne idée dans son introduction d'incorporer des lettres de voleur diffusées dans des journaux. On y gagne en authenticité et on peut mieux saisir le rythme et la façon dont la "bigorne" (synonyme d'argot) se parlait en réalité. Pas une langue complète, mais un vocabulaire qui emmaille le français, le constelle, l'embrume et le corse.
Je vous laisse apprécier la version de "la Mère Michel" en argot. Ca mérite la balade.
Belle découverte également de ces langages codés dans la lignée du louchébem, du javanais ou du feu et que je ne connaissais pas encore comme le "dregueu" qui consiste à se coller au mot et à se prononcer comme lui : "je suis pris" donnant "jedregueu suisdrigui pridriguis"
La langue de "dun" et de "pi"sont aussi citées.
Bref une belle carrière de mots anciens et des images parlantes, terribles, belles.
Je regrette seulement que l'on trouve quelquefois des mots en double, voire en triple, d'autant plus que pour rester à la page, LARCHEY a joint à la fin de son ouvrage originel des additions postérieures. Il y ajoute de nouveaux mots selon lui, que pour beaucoup il a déjà cité dans la première partie. On en vient quelquefois à douter de la véracité et de l'authenticité de ces mots. La concurrence éditoriale de ces "dictionnaires d'argot" dans ces années-là n'aurait-elle pas poussé l'auteur à la surrenchère ?
Pour finir de vous donner envie de parcourir tout ou partie de cet ouvrage, il est tombé dans le domaine public et il est donc consultable gratuitement sur Gallica, dans sa neuvième édition :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k202956q.r=lor%C3%A9dan%20larchey?rk=85837;2
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