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Citation de mandarine43


Elle est courbée sur l'escalier de pierre qu'elle lave à grande eau, le bas de sa robe grise se relève, laissant apercevoir la large bande d'étoffe blanche du jupon et, parfois, lorsqu'elle se baisse davantage, le haut des cuisses dans des bas que rien ne semble retenir, il y a du vent, il fait froid, dans sa culotte courte, ses genoux et ses cuisses nus, il se sent écœuré, il est tôt le matin, il a bu un plein bol de café au lait tiède avec dedans du pain brisé, peut-être a-t-il envie de vomir, l'eau de rinçage est propre, mais sale est celle qu'utilise la femme pour plonger une première fois la serpillière, elle sent le fade, le rance, le pourri, le moisi, la maison elle-même a cette odeur, fade, rance, pourrie, moisie, toutes les maisons de la rue ont la même odeur, toutes les femmes de ces maisons ont la même odeur, l'eau sale leur ruisselle sur les jambes, leurs bas sont mouillés d'eau sale, des jambes des cuisses sales, pourquoi leurs yeux et leurs bouches ne seraient-ils pas sales eux aussi, et que font-elles, ces femmes, lorsqu'elles ne lavent pas à grande eau les escaliers de pierre, elles vont à la rencontre des hommes qui reviennent sales de leur travail, la peau, les chaussures sales, les rires sales quand ils prennent les femmes dans leurs bras, qu'ils les serrent contre eux et les embrassent, deux bouches sales qui se collent l'une à l'autre, lorsque vient l'heure de rentrer à la maison, il y a toujours de la saleté quelque part, dans la cuisine, sur le réchaud à gaz, dans une assiette oubliée sur l'évier, un verre à demi rempli de vin, les miettes du repas de midi sur la toile cirée de la table, une cuvette qui traîne, la grande femme qui a reçu l'eau sale sur ses jambes prépare le dîner pour l'homme et l'enfant qui ne disent rien, l'eau a séché sur ses bas, mais la saleté n'a pas disparu, les bas en sont imprégnés, l'air en est imprégné, la lumière de la grosse ampoule jaune en est imprégnée, les murs d'un vieux brun écaillé aux angles desquels se nichent des petites bêtes sales, sur la vitre, la nuit se colle comme de la glu, l'homme va se coucher, la femme le suit, on entend qu'ils s'embrassent encore, qu'ils font un bruit sale, qu'ils rient et gargouillent dans le lit aux draps sales, on sait aussi confusément, on se doute bien que c'est de cette saleté qu'on est soi-même né un jour et qu'un jour on mourra, que demain il y aura encore la serpillière sale dans l'eau épaisse qui giclera sur le bas de la femme courbée dans l'escalier de pierre, qu'il y aura du vent, qu'il fera froid.
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