Si l'infini et la transcendance se perdent derričre la finitude, alors on ne peut plus parler de liberté. Un dieu livré ŕ la rationalité n'est pas celui de la liberté, mais celui de la politique, de la conquęte et de la colonisation.
Tout correspond ŕ quelque chose, mais rien ne renferme le tout.
La technique est le véritable vainqueur du XXe sičcle. Le moyen “athée”, c’est-ŕ-dire terrestre, est devenu une “fin divine”, une transcendance exclusive : elle a aliéné l’homme de lui-męme. Elle l’a vaincu avec une telle ruse qu’elle lui a donné l’illusion de se croire vainqueur en dépit de sa condition d’esclave. Le prix en est qu’il a oublié l’essence cosmique de son propre ętre. Et le véritable enfer, l’enfer gris, c’est cet oubli et non l’hypertrophie démoniaque de la technique, laquelle n’est qu’une conséquence, le résultat de la blessure tragique de l’esprit humain.
Buńuel expliquait la disparition de la foi traditionnelle par les descriptions exagérées de l’Enfer. Or le véritable enfer n’est pas aussi pittoresque que dans les contes. Il paraît plutôt naturel, sobre, allant de soi. Comme le monde de Hegel que Dostoďevski a retrouvé ŕ son retour de Sibérie. Le seul endroit oů il pouvait aller. Dépourvu de toute magie. L’Enfer, c’est quand l’intégrité de l’Ętre, le Tout cosmique se réduit ŕ un monde que la technique peut manipuler. Il n’a pas besoin de diables, de flammes qui s’élčvent dans les airs ni de lacs remplis de poix bouillante. L’oubli suffit, ainsi que l’illusion que la limite de l’homme n’est pas le divin, mais le palpable, que l’esprit ne se nourrit pas d’impossible, mais d’un possible supręmement ennuyeux et rationnel.
Nous avons tué Dieu par ambition - une ambition qui, a l'origine, pouvait Lui ętre plaisante et qui n'est autre qu'une solution ŕ tout. Cette ambition s'est transformée en orgueil quand nous nous sommes mis ŕ trouver des solutions ŕ ce qui n'en avait manifestement pas.