Nous étions jeunes. La vie nous fatiguait. Nous brûlions la chandelle par les deux bouts. La ville s’ouvrait à toutes nos folies, la Bosnie enflammait nos conversations, Clinton allait sauver l’Europe. Arnaud, lui, sentait bon le sable chaud. Il était ardent, impliqué, politisé. Il s’engageait, militait auprès d’Amnesty International et de bien d’autres associations, tandis que nous préférions refaire le monde une bière à la main, assis en cercle au bout de l’île Saint-Louis dans la douceur du printemps, ou dans la chambre de l’un ou de l’autre lors des soirées plus fraîches. Je crois que je n’ai jamais vraiment pris au sérieux ses longues diatribes, son engouement pour la lutte. Nous commencions tous à nous façonner une image, à tenter d’offrir aux autres un portrait de nous qui soit le plus flatteur possible.