Etoiles Norabénistes : ******
Joker No Kuni No Alice - Circus To Usotsuki Game
Traduction : Géraldine Oudin
Adaptation Graphique : Clair Obscur
ISBN : 9782355927386
QUESTION SAISON DES SPOILERS, MA VOYANTE VOIT LES CHOSES S'AGGRAVER : VOUS ÊTES PREVENUS !
Venez, venez, mes chers Amis et entrez dans le Royaume de Joker ! Ah ! Certes, vous vous y amuserez bien ! Peut-être pas de la manière dont vous l'imaginiez mais ... vous vous amuserez, promis et n'est-ce pas cela, au fond, l'essentiel ? De toutes façons, eh ! eh ! on n'y peut déjà plus rien - ni vous, ni moi.
Voyez, oui, voyez, car c'est un signe, c'est même LE signe par excellence, comme, en ce Royaume de Cœur (ou de Trèfle), qui ne connaissait pas les saisons, celles-ci sont désormais bien marquées : l'hiver, monotone et aride mais si gonflé de vie sous la neige, pour la Tour de l'Horloger, territoire neutre ; le printemps, pour le Château de Cœur sur lequel règne, avec toujours autant de caprices, la si belle Vivaldi ; l'été, saison royale pour le Parc d'Attractions mené par Goround et où maraude et flâne Boris, le Chat du Cheshire ; et l'automne, saison mélancolique mais qui peut être si douce, étendant avec noblesse ses ailes protectrices sur le Manoir du Chapelier.
Et au Cirque de Joker, demandez-vous ? Quelle saison est-ce ? Ma foi, une saison un peu neutre : il ne pleut pas, il ne vente pas beaucoup, disons qu'il fait beau, un temps raisonnable, idéal pour les artistes, aussi bien quand ils s'entraînent que lorsqu'ils jouent sous le vaste chapiteau, que pour leur Directeur bien-aimé, Joker, dont les traits fins, les cheveux en bataille et l'air souriant évoquent dès l'abord, on ne sait trop pourquoi, le visage du Chevalier de Cœur ...
Et le temps qu'il fait chez le Deuxième Joker ? ... Chut ! Voyons ! L'heure n'a pas encore sonné de parler de ce jumeau parfait, mais nettement plus bougon, de Joker. Revenons plutôt à Alice, notre chère petite Alice Liddell qui, n'écoutant comme toujours que ce que lui soufflent son courage et sa volonté de n'en faire qu'à sa tête, en particulier lorsqu'une autorité masculine lui a soigneusement recommandé d'agir tout autrement, s'en était allée, vous vous le rappelez peut-être, précisément au Cirque, ceci parce qu'il lui fallait à tout prix changer de territoire et que Goround lui avait expliqué que, une fois les saisons stabilisées (ce qu'elles sont désormais jusqu'au départ de Joker et de sa troupe, ce qui entraînera ainsi la fin de la Saison d'Avril), il devenait impossible d'aller d'un lieu à un autre sans faire une partie de cartes avec le Directeur du Cirque. Rien de bien méchant mais enfin ...
Rien de bien méchant chez Joker ? Voilà qui amène des sourires plus que sarcastiques sur les visages du Chapelier et du Lièvre de Mars, arrivés juste à temps derrière la petite innocente pour l'empêcher d'attaquer sans plus de façons sa première partie avec Joker. C'est d'ailleurs, avec l'autorisation d'Alice et sans que Joker s'y oppose, le Chapelier qui joue pour la jeune fille - et gagne, bien entendu - permettant ainsi à sa protégée (après une énième dispute avec elle, dispute qui, à ses débuts - voyons cela comme une trace d'humanité en cet inquiétant personnage - étonne considérablement Joker tout comme ce genre d'incidents entre Alice et Blood Dupré ahurit en général n'importe qui y assistant pour la première fois à Wonderland) de regagner le Château de Cœur où elle doit reprendre son service et où - en principe - eux-mêmes ont une réunion de négociations avec le Premier ministre de Vivaldi, j'ai nommé Peter White, le Lapin Blanc en personne.
Lequel arrive en retard parce que, justement, il s'inquiétait pour Alice. Nous savons, depuis des pages et des pages dont nous avons perdu le compte, que le malheureux s'inquiète toujours pour elle mais, depuis l'arrivée du Cirque, cette angoisse culmine à un niveau qui intéresserait certainement tout cardiologue et tout psychiatre dignes de ces noms . De surcroît, ce sont les incorrigibles Dee et Dum qui ont retardé Peter en lui cherchant querelle, ceci afin de le contraindre à se battre avec eux, occasion qui leur est, déplorent-ils en chœur, trop rarement donnée. Seul avec Blood et Elliott, Peter n'en remercie pas moins le Chapelier d'avoir protégé Alice des entreprises de Joker, individu qui pose visiblement problème à tout le monde. Pour autant, Peter tient à ce que le Chapelier comprenne bien qu'il ne renonce en rien à Alice. De leur côté, compte tenu des circonstances, ni le Chapelier, ni le Lièvre de Mars ne jugent utile de faire savoir au Lapin Blanc que Dupré a recommandé à Alice de demander à Peter de l'accompagner toutes les fois qu'elle serait obligée de se confronter à Joker ...
Conseil qu'Alice, pour une fois (et peut-être en raison de l'identité de celui qui le lui a donné), suit à la lettre lorsque deux de ses collègues sans-visage, n'ayant pas le temps de se charger de cette mission pourtant essentielle, lui demandent si elle peut aller en ville chercher des pastèques pour la Reine. Vivaldi a en effet envie de pastèques. Non pour les manger mais pour ... les fracasser et les broyer. Ça la prend de temps à autre. Et si elle n'a pas ses pastèques, elle risque fort de faire couper les têtes de tout le personnel. Certes, à Wonderland, personne n'est irremplaçable mais imaginer le malheureux Julius, obligé de réparer en un temps record autant de montres, tout cela pour satisfaire un caprice de Sa Majesté ...
C'est donc tout heureux que Peter accepte d'accompagner Alice au Cirque. De son amoureux le plus expansif, elle apprend entre autres que, en théorie, les Acteurs n'ont pas besoin de jouer avec Joker s'ils désirent changer de territoire pendant la Saison d'Avril. Il leur faut toutefois respecter quelques règles qu'il ne lui expose pas. Si, par contre, elle-même doit se soumettre à cette ennuyeuse obligation, c'est parce qu'elle est une Etrangère, c'est tout. Par la suite et bien que, l'un comme l'autre, Premier ministre du Royaume de Cœur et Directeur du Cirque restent sur leurs gardes lorsqu'ils se retrouvent face à face, cette brève et très courtoise rencontre a l'avantage de nous révéler qu'il existe en effet un deuxième Joker.
Celui-ci, aussi beau gosse et plus inquiétant peut-être que le premier, porte un élégant uniforme de gardien de prison et est la réplique vivante de Joker, le Maître du Cirque. Mais, comme il le dira plus tard à Alice elle-même, il est "son" Joker à elle - ce qui implique donc, pour le lecteur raisonnable, que tout un chacun, à Wonderland, est capable d'avoir "son" propre Joker. Quant à ce que représente ce Joker personnel, c'est une autre affaire ...
Au milieu des intrigues qui font vivre le manga - les chamailleries des jumeaux sur la couleur préférée d'Alice, qu'ils souhaitent inviter à la Fête de l'Eté ; les "taquineries" toujours très spéciales du Chapelier dès qu'il parvient à avoir la jeune fille pour lui tout seul ; les retards chroniques du Chevalier de Cœur à tous ses rendez-vous (y compris les plus curieux et les plus impératifs, qui nous surprendront beaucoup dans le tome III - beaucoup ou à peine ? ) ; les trente-six volontés de la Reine de Cœur qui veut, entre deux menaces de décapiter à peu près tout le monde, qu'Alice l'accompagne dans ses emplettes et, bien sûr, lors de la merveilleuse représentation que s'apprête à donner Joker (ses représentations sont toujours merveilleuses) ; et l'extraordinaire Fête de Hallowe'en imaginée par les Jumeaux et fastueusement orchestrée par le Chapelier en son Manoir - surtout, ne la ratez pas - l'intrigue montée par Joker se dégage dans ses grandes lignes :
1) bien qu'il ne semble avoir rien de personnel contre Alice, sa présence à Wonderland le dérange car cette Etrangère est, par un moyen qu'il ne comprend pas, parvenue à séduire à peu près tout le monde - y compris Ace même si, pour des raisons qui nous apparaîtront au fur et à mesure, il n'a aucun intérêt à afficher ses sentiments. Gardons à ce propos toujours en tête que, dès le départ du Cycle tout entier, nous avons appris que le Chevalier de Cœur détestait le rôle qui lui était imparti ;
2) le maillon faible de la jeune fille, c'est sa mémoire et Joker le sait fort bien. Comme il connaît l'intensité de son sentiment de culpabilité et probablement les raisons de celui-ci. C'est en faisant basculer sa mémoire qu'il compte la tenir bientôt à sa merci ...
3) ... en d'autres termes dans une prison étrange, aux cellules en apparence vides et aux portes fermées mais non verrouillées, sur laquelle veille le Joker en uniforme et cravache bien en main, doté d'un si détestable caractère et pour qui Alice n'est qu'"une petite peste" ou "une petite menteuse." Sur le sol carrelé de la prison, traînent des bonbons, certains entamés, d'autres encore emballés (de ces bonbons dont le Joker du Cirque donnera, en un geste amical, une poignée à Alice, tentant sa chance pour la faire "basculer" avec un minimum de moyens), ainsi que des jouets, en particulier des peluches, tous en assez piteux état ;
4) ce qu'il y a d'assez curieux dans ce plan, tel qu'il nous apparaît ici, c'est qu'aucun des Jokers ne paraît vouloir enfermer Alice et que tous deux s'interrogent sur ce que la jeune fille, notamment dans ses rêves lorsque ceux-ci l'attirent en cet endroit, voit ou croit voir derrière les grilles d'une cellule, spectacle que, pour l'instant en tout cas et malgré tous leurs pouvoirs, qui sont grands, ni l'un ni l'autre ne semble distinguer.
Avec un graphisme cette fois-ci parfaitement repris en main par Fujimaru Mamenosuke, et un scénario qui ne s'égare plus comme au temps du Cycle de Trèfle, ce deuxième volume d'"Alice Au Royaume de Joker" communique au lecteur le malaise, d'abord ténu, puis de plus en plus pesant, qui a germé, dès le tome précédent, chez tous ceux qui, dans ce monde de rêves, apprécient Alice. D'un autre côté, il est vrai que l'on connaît maintenant les personnages pratiquement sous tous les angles. Aussi entendre un Nightmare affirmer que les défenses qu'il a installées dans l'esprit d'Alice ne tiendront pas longtemps - considération reprise par Joker parlant à son partenaire - jette-t-il un froid certain. Comme la ressemblance étrange, et qu'on aurait tort à mon sens - mais je puis faire erreur - d'imputer à la seule standardisation des personnages de manga, entre les deux Joker et Ace. Quant à la menace de Peter White de faire cesser la Saison d'Avril si cela s'avérait nécessaire, et sans recourir à l'aide de Nightmare ou d'un Julius Monrey, lequel, pour sa part, ne sait plus à quel Dieu se vouer, on sait d'instinct qu'elle contrevient à toutes les règles du jeu, quel qu'il soit. Nous rassurent en revanche le fait que le Chapelier est déjà parvenu à libérer au moins un prisonnier - le Lièvre de Mars - de la Prison de Joker et que les deux hommes, bien que très conscients du danger qu'ils sont prêts à courir une nouvelle fois, ne laisseront certainement pas Alice tomber aux mains du redoutable Joker - et de tout ce qui peut se dissimuler dans son ombre.
En résumé, un second volume qui précise l'action sans la dévoiler outre-mesure. A savourer tranquillement. Encore et encore. Entre deux tasses de thé du Divin Chapelier. ,o)
Commenter  J’apprécie         30